Ces rapines ont attisé la haine du peuple pour les nouveaux riches, corrompus, corrupteurs, prévaricateurs, prédateurs, antinationaux surfactureurs de produits importés, destructeurs de la production nationale. Evidemment, cette classe n’avait pas attendu le retour de Bouteflika pour prospérer. Bouteflika n’a fait que rajouter des dizaines d’oligarques aux dizaines qu’il avait trouvés en 1999 et multiplier leurs fortunes grâce à un baril de pétrole de plus de 100 dollars.
Les travailleurs, les jeunes enfants du peuple que cette minorité a méprisés du haut de ses châteaux, de ses demeures luxueuses de Neuilly-sur-Seine, ou d’ailleurs, du haut de sa fortune insultante, se sont révoltés. Ils sont décidés à donner un coup de balai à toute cette faune puante. L’indignation a atteint son comble face au fossé qui sépare la majorité écrasante de la population à cette bourgeoise oligarchique. L’esprit de résignation, le sentiment d’être seul à couver sa colère ont d’un seul coup cédé devant la découverte que les masses populaires unies et décidées à prendre en main leur avenir recelaient une force formidable.
Mais la force de l’indignation et de la mobilisation des travailleurs et des couches sociales les plus défavorisées ne doit pas se laisser lier les mains par les appels à se limiter au seul départ du « système ». Ce terme chacun l’entend à sa manière. A écouter les porte-parole politiques et idéologiques les plus influents des intérêts des fractions bourgeoises ou petites-bourgeoises mécontentées par la politique économique du régime des oligarques, ce terme désigne quelques dizaines de personnes directement liées aux groupes qui font la pluie et le beau temps depuis des lustres. C’est sur ces groupes et uniquement sur eux qu’il faut concentrer le tir, nous ordonnent-ils.
Les travailleurs qui ne supportent plus les privations et les inégalités, les femmes qui revendiquent l’égalité sont donc priés par de gros bras visiblement chargés de contrôler les slogans, de « ne pas diviser » le mouvement unanime contre Bouteflika par des revendications sociales « sectorielles inopportunes ». Surtout pas de grèves dans les secteurs productifs, nous disent les Bouchachi ! On les comprend : ça touche la caisse des bourgeois « libéraux » dont des figures connues se pavanent au milieu des zawalia. Attendez le départ de ce régime, la tenue d’élections démocratiques, l’instauration d’une 2e République - au contenu volontairement maintenu dans le flou - l’installation d’un pouvoir « légitime ». Après on discutera de la « république démocratique et sociale ». Après, quand vous aurez voté pour des Benbitour juniors, on vous expliquera qu’il faudra travailler pour « notre chère patrie » 12 heures par jour payées 8 heures ! Parallèlement, ces politiciens se livrent à des tractations clandestines pour réconcilier les différents clans bourgeois mafieux de manière à contrôler le mouvement populaire et à éviter qu’il ne se transforme en mouvement de destruction des bases économiques de la bourgeoisie.
Leur plus grande peur est en effet qu’une telle réorientation des luttes débouche, au-delà de la mise à bas du régime actuel dont personne ne veut plus, sur la revendication d’un régime qui remette à l’ordre du jour la perspective d’une société socialiste. Une perspective épouvantable pour les exploiteurs, les arrivistes et les nouveaux candidats à l’enrichissement.
Rejetant ces « conseils », la classe ouvrière, les travailleurs, la paysannerie laborieuse, les couches sociales qui vivent de leur travail, les intellectuels patriotes de progrès doivent faire entendre fortement leurs aspirations de classe. Le mouvement du 22 février sera détourné des attentes populaires profondes si l’on ne barre pas la route aux politiciens des classes affairistes et exploiteuses. Ces « nouveaux guides » cherchent à les tromper pour préserver leurs intérêts de classe égoïstes en remplaçant des hommes haïs par des figures nouvelles.
C’est le moment pour les exploités, pour la jeunesse populaire de poser avec force leurs revendications. Ce sont eux qui souffrent le plus de ce régime mafieux-bourgeois. Ce sont eux qui ont le plus intérêt à s’en débarrasser en extirpant ses racines. C’est le moment de s’organiser dans des syndicats de classe unitaires et coordonnés, de secouer les chaînes de l’esclavage capitaliste, de se battre pour un gouvernement révolutionnaire véritablement démocratique et populaire, de participer à la création d’un parti révolutionnaire de classe capable de diriger le mouvement populaire, œuvrant pour le socialisme dans la solidarité internationaliste avec les prolétaires de l’ensemble de la planète.
C’est à ces conditions que les victoires démocratiques des masses populaires, qui ne sont pas encore arrachées, ne seront pas confisquées par la bourgeoisie dite « libérale ». Celle-ci redoute surtout que la démocratie aille jusqu’au bout, jusqu’au contrôle des moyens de production et d’échange par les travailleurs. C’est aussi à ces conditions que les intrigues et les manœuvres impérialistes fébriles dont l’un des principaux buts est de s’emparer des richesses pétrolières du pays seront mises en échec. Il serait dangereux de nier ou de sous-estimer la réalité de ce danger.
Zoheir Bessa 03.04.19