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150 000 manifestants dans la rue au Chili pour exiger la fin de la logique du profit dans les universités

avril 2013, par Saint Martin d’Hères

La presse chilienne avait prédit la fin du mouvement étudiant né en août 2011 pour une éducation re-nationalisée, libéré de toute tutelle privée. Or, en ce début d’année 2013, le mouvement connaît un nouvel élan.

Ce jeudi 11 avril, ils étaient plus de 150 000 à défiler dans les rues chiliennes, dont 120 000 à Santiago : étudiants, lycéens, mais aussi professeurs, parents d’élèves et salariés pour une manifestation convoquée aussi par la CUT (Centrale unitaire des travailleurs).

Les revendications de base du mouvement de l’été 2011, qui avait alors mobilisé jusqu’à 500 000 manifestants dans les rues n’ont pas changé : refus de toute logique marchande dans l’éducation, retour à une Éducation nationale, 100% publique, gratuite et universelle.

« Elle va tomber l’éducation à Pinochet ! », le cri de ralliement des manifestants rappelle que le système chilien actuel est l’héritier de la politique du dictateur, au pouvoir entre 1973 et 1990.

Pinochet avait commencé par casser l’Éducation nationale en décentralisant aux communes l’Éducation primaire et secondaire, puis en élargissant l’autonomie des universités, ouvrant la voie à un système à deux vitesses, favorisant l’éducation privée.

Aujourd’hui, l’ensemble du système éducatif est sous la coupe du privé. Dans le supérieur, c’est le cas tant dans les grandes universités publiques, mais dépendantes des fonds privés, que dans les universités autonomes intégralement privatisées et de piètre qualité.

Les frais de scolarité dans les universités autonomes – le sort de l’immense majorité refusée dans les universités publiques élitistes – vont de 300 à 1 800 euros par mois. Chaque étudiant doit avancer 30 000 € pour financer ses études, une somme à rembourser ensuite avec des intérêts exorbitants.

Scandales aussi au Chili : profit dans les universités, collusion entre milieux politiques et économiques

Chaque pays a ses scandales. Au Chili, ce n’est pas la fraude fiscale mais la collusion entre milieux d’affaires, politiciens et le business de l’éducation supérieure privatisée qui suscite l’indignation.

Symbole de l’éducation à la dérive, l’Université de la Mer de Reñaca vient d’être déclarée en faillite : 4 000 fonctionnaires licenciés tandis que 10 000 étudiants perdent toute perspective d’obtenir un diplôme, après s’être lourdement endettés.

Contrairement à l’interdiction légale, cette université avait décidé de faire de l’éducation une activité lucrative. Des pratiques dénoncées récemment non seulement à l’Université St-Thomas, à l’Université des Arts, sciences et communications mais aussi à la prestigieuse Université du Chili.

Le scandale éclabousse le gouvernement. Le ministre de l’Éducation, le libéral Harald Beyer, est sous le coup d’une accusation constitutionnelle pour avoir couvert l’existence de ces pratiques lucratives dans l’éducation supérieure, et vient d’être suspendu de ses fonctions.

L’actuel gouvernement de droite n’a pas eu de mal à rappeler l’hypocrisie du Parti socialiste, qui a lancé la procédure de destitution du ministre : c’est bien pendant les vingt dernières années où elle fut au pouvoir que s’est développée l’éducation privée, à but lucratif ou non.

En 2008, la ministre de l’Education socialiste Yasna Provoste était tombée sur le même motif : laxisme si ce n’est complaisance envers les universités à but lucratif.

Comme le rappelle de façon lucide un autre ancien ministre de l’éducation de Michelle Bachelet, Martin Zilic, qui a lui-même géré ce système largement privatisé :

« nous devons tous faire notre mea culpa de la société inégalitaire que nous avons construit. Aujourd’hui, on doit tous reconnaître ce que nous disent l’OCDE, l’Unesco : nous sommes le pays qui connaît la plus forte ségrégation dans l’éducation, le pays le plus privatisé au monde. Cette erreur, ce n’est pas seulement la Concertacion [alliance du PS et de la Démocratie chrétienne qui a gouverné le pays depuis la fin de la dictature] qui l’a commise mais tout le pays ».

Zilic aurait pu rajouter que l’OCDE estime que le Chili possède le système d’éducation le plus cher, et que l’UNESCO perçoit le système socialiste cubain comme étant plus à même de fournir à moindre coût une éducation universelle, de qualité et de masse.

Pas d’illusion sur l’alternance socialiste pour les étudiants

Les manifestations ont réuni, grâce à l’appel lancé par la CONES (syndicat des lycéens) et la CONFECH (syndicat des étudiants) lycéens et étudiants, mais aussi public et privé : les syndicats des deux grandes universités – Université du Chili et Université Catholique – ont défilé ensemble.

Les syndicats étudiants se sont retrouvés unis dans la même dénonciation de la politique du gouvernement de droite de Pinera qui vise à renforcer le poids du secteur privé dans l’éducation, et à miser sur un aménagement des prêts étudiants plutôt que sur la gratuité du service.

Unis également, en cette année d’élections présidentielles et législatives, contre toute manœuvre de l’opposition de façade représentée par le Parti socialiste, et sa figure publique, l’ex-présidente Michelle Bachelet.

Celle-ci a déclaré cette semaine qu’elle souhaitait « réformer l’éducation », supprimer le profit mais sans mettre en place un système intégralement public, gratuit et universel.

« Nous n’allons permettre à aucun candidat de se saisir de nos revendications pour les dévoyer », a averti Andrés Fielbaum, secrétaire de la Fédération des étudiants de l’Université du Chili (FeCh).

« Le signal que donne Bachelet, c’est que sa priorité est de continuer à garantir la stabilité pour les patrons », a-t-il ajouté.

« Quand nous disons que nous voulons d’une éducation gratuite pour nous, c’est parce que nous entendons l’éducation comme un droit, et les droits sont pour tous ou ils ne sont pas ».

La figure du mouvement étudiant de 2011, la jeune communiste, désormais candidate du Parti communiste pour les législatives, Camila Vallejo a exprimé récemment des positions analogues, alors qu’elle a participé aux manifestations du 11 avril.

Elle a rappelé la nécessité pour les communistes de ne pas sacrifier les luttes aux arrangements institutionnels, tout en exprimant ses réticences tant vis-à-vis des accords avec la Démocratie chrétienne que d’un nouveau soutien du PC à la candidature présidentielle de Michelle Bachelet.

« Je ne ferai jamais campagne pour Bachelet, je n’appelerai pas les jeunes à voter pour elle. Rien ne m’assure que son programme est représentatif des idées que j’ai défendu dans le mouvement étudiant ».

Comme Camila Vallejo, les dirigeants du mouvement étudiant n’ont aucune illusion sur une possible alternance en 2013. Comment peut-on en avoir après quarante ans de gestion ultra-libérale, de la dictature de Pinochet à la « concertation » de Bachelet.

La solution viendra d’abord des luttes, d’une majorité sociale capable d’imposer de véritables changements et d’ouvrir une alternative politique à la logique du profit et à la marchandisation de l’ensemble de la société chilienne !

Article AC pour http://solidarite-internationale-pc...