Parti Communiste Français Section de Saint-Martin d’Hères
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Grèce - Euro : une analyse de Gilles Mercier (PCF Vitry)

mai 2010, par Saint Martin d’Hères

Pour la création des richesses. Combattre la dérégulation financière ! La crise financière grecque met à mal l’Europe politique.

Les déclarations de l’Allemagne vis-à-vis de la Gréce ont fait voler en éclat les déclarations œcuméniques entonnées depuis des décennies par les dirigeants européens concernant la solidarité entre Etats européens.

Pour aider financièrement la Grèce, un compromis fut laborieusement élaboré qui fait intervenir le FMI, les membres de l’UE ne voulant pas être seuls à partager la dette de l’Etat grec. La révision à la hausse du trou budgétaire grec fait naitre l’inquiétude d’une contagion non seulement en Europe, mais aussi au reste de la planète dans les pays affichant des déficits budgétaires tout aussi abyssaux que ceux de la Grèce. La dette des Etats est devenue telle que son apurement génère entre eux des affrontements qui prennent le pas sur la gestion concertée qui a prévalu jusqu’à maintenant. L’importance de la dette des Etats combinée à leur crise de financement, amplifie les tendances centrifuges au sein de l’UE.

Ne sommes nous pas entrés dans un processus de remise en cause de l’organisation politique initiée par le traité de Rome ?

La désindustrialisation, le chômage, le sous emploi, les sous rémunérations, les transferts massifs des financements socialisés vers le capital limitent les ressources des Etats et les amènent à recourir à l’endettement pour couvrir leurs énormes besoins de financement.

L’union économique et monétaire en libérant totalement les mouvements de capitaux dans la zone euro a amplifié la dérégulation des économies des pays de l’UE. Sortir de la spirale de la dette implique des solutions d’une tout autre nature que la modification des critères de financement de la BCE préconisée par certains dirigeants du PCF. Ce dernier doit singulièrement hausser son niveau d’analyse s’il ne veut pas être contraint de courir après les évènements.

L’objectif de ce texte est d’aider à la réflexion autour de 2 idées.

1°) Il faut en finir avec la liberté de circulation des capitaux.

La mondialisation capitaliste repose sur la mise en concurrence de la force de travail et sur les commodités que les capitalistes trouvent dans les pays aux contraintes étatiques moindres par l’intermédiaire des profits qu’elles espèrent en tirer en délocalisant, relocalisant, en étant indifférents aux destructions économiques et aux drames humains engendrés.

Elle s’accompagne de l’ouverture de nouveaux champs de profits dans des activités réservées jusqu’ici à l’Etat. La plus grande mobilité du capital financier confère à la mondialisation capitaliste sa nature financière dominante. La mondialisation capitaliste, c’est avant tout la surexploitation des salariés du monde entier.

Dans l’UE, le passage à la monnaie unique a fait de l’euro l’outil parfait de l’accumulation du capital par sa liberté absolue de mouvement et ses taux d’intérêt élevés. Si la monnaie unique a effacé l’instabilité découlant des différences de taux change et de taux d’intérêt entre devises, elle n’en a pas fait pour autant disparaitre l’origine, à savoir la différence de puissance économique entre pays émettant ces devises.

La liberté absolue de mouvement du capital dans la zone euro n’a fait que renforcer le poids du pays dont les entreprises sont les plus performantes. Avec ses excédents commerciaux, l’Allemagne parle de plus en plus fort au sein de l’Eurogroupe. La progression de ses exportations fait croitre son PIB de 0,5% par an. Si le commerce extérieur représente 51% du PIB de l’Allemagne, il n’en représente que 30% du PIB français. De plus 2/3 des exportations françaises sont au sein de la zone euro. Cette insuffisance de compétitivité des entreprises françaises est sanctionnée par un déficit commercial qui depuis 2001 se traduit par perte de 0,6% de croissance/an. (La progression des exportations françaises est systématiquement inférieure à celle du commerce international).

En tant que monnaie unique de plusieurs Etats, l’euro ne pouvait être conçu que comme monnaie d’attraction des capitaux. D’où ses taux d’intérêts élevés qui ont détourné les capitaux vers les placements financiers et qui ont amplifié le poids de la dette des pays européens. Cette titrisation a enfoncé les pays dont les économies sont les moins performantes. La monnaie unique écrase la croissance économique qui permettrait aux Etats de payer leurs dettes.

Pour bien comprendre la phase actuelle, il est essentiel de comprendre que la monnaie est avant tout un rapport social.

En tant que rapport social la monnaie est la composante ultime du rapport capitaliste. L’euro en tant que monnaie déconnectée des Etats consacre la domination politique du capital sur le travail. L’euro est la devise des bourgeoisies européennes sûres d’elles mêmes, de leur puissance, débarrassées de l’Union Soviétique et des Partis communistes en crise. L’euro est la devise des forces du capital qui ne veulent pas de limitation à leurs privilèges. La monnaie unique met les salariés des pays de l’UE directement en concurrence face aux capitalistes prédateurs.

Le passage à la monnaie unique marque la transition entre le capitalisme monopoliste d’Etat (CME) et le capitalisme monopoliste financier mondialisé (CMFM).

Le CME a dans le cadre national réalisé une connexion intime entre l’Etat et les grands groupes afin de stimuler la rentabilité du capital. Dans le cadre du CMFM, l’Etat intervient toujours au bénéfice des grands groupes mais sur le fondement d’un rôle explicitement subordonné aux intérêts privés.

L’Etat se transforme en serviteur évident des capitaux mondialisés dont il demeure le représentant politique national. La différence avec la période précédente réside dans le fait qu’il y a eu recouvrement dans le cadre du CME de l’intérêt national et des intérêts privés. La perte de rentabilité du capital dans le cadre national a rendu prédominant les intérêts privés, dont la prédominance est absolue le cadre de la mondialisation.

L’euro est la concrétisation du rapport social monétaire en faveur des intérêts privés capitalistes. Le rapport des forces est tellement en faveur des forces du capital que la dimension privée a absorbé la dimension collective, cette dernière lui étant entièrement subordonnée. Les deux dimensions sont incarnées dans l’entité abstraite que l’on appelle « le marché ». Dans le cadre du CMFM, les Etats qui défendent les intérêts des entreprises mondialisées laissent aux marchés financiers le soin de socialiser leurs intérêts.

La forte perte de rentabilité du capital du milieu des années 1970 a amené les grands groupes à rechercher des zones de profit hors du cadre national.

Cette internationalisation du capital s’est accompagnée d’un progressif relâchement du contrôle des Etats sur les mouvements de capitaux aboutissant avec l’Union Economique et Monétaire à leur libéralisation totale.

La baisse de rentabilité du capital productif eut pour corolaire le développement des marchés financiers. Le capital pour se rentabiliser doit tourner, le capital financier se déplaçant beaucoup plus vite que les machines, a imposé ses critères au capital productif. Sortir du profit des circuits financiers étant plus rapide que de le sortir de la production, l’accumulation du capital financier va prendre une ampleur bien plus considérable que l’accumulation du capital productif.

Ce différentiel de l’accumulation est à l’origine des crises financières. Plus le capital s’accumule plus il réclame de rentabilité, plus il doit tourner, la loi d’airain du capital est la source d’une instabilité permanente. Cette instabilité était limitée dans le cadre du CME par les lois sociales de l’espace national. La mondialisation capitaliste en étendant la concurrence à l’ensemble de la planète a exercé une forte pression à la baisse des salaires et de l’ensemble des dépenses sociales. Cette pression s’est exercée d’autant plus durement que la dérégulation financière libérait l’appétit prédateur du capital. Le développement des marchés boursiers seuls régulateurs de la mondialisation capitaliste a fait apparaitre un montant de capital de titres s’ajoutant au capital réel qui engendre une pression permanente à la suraccumulation du capital qui pousse à la hausse des titres qui nourrit la bulle spéculative. La suppression progressive puis totale du contrôle des mouvements de capitaux a fait des crises financières les éléments de la régulation économique.

Cette domination absolue des intérêts privés confondus avec les intérêts nationaux est à l’origine de l’endettement des Etats. Le niveau de la dette génère des contradictions entre Etats qui sont appelées à s’exacerber, les pays excédentaires trouvant insupportable de financer les déficits structurels des pays économiquement peu performants.

Ce monde de la dérégulation est celui de la barbarie. Les entreprises se livrent une guerre féroce sur le dos de leurs salariés pour l’appropriation des marchés, les Etats reportant leur dette sur leur population.

Comment arrêter la barbarie ?

La dérégulation du mouvement du capital étant à l’origine de la déstabilisation mondiale, il faut en finir avec sa liberté de mouvement. Pour ce faire, il faut réintroduire le contrôle des changes dans le cadre historique pertinent qui est le cadre national.

Ce contrôle doit être effectué par les banques centrales nationales sous l’autorité de leurs gouvernements respectifs. Ce qui implique de revenir aux devises nationales.

Les devises nationales ne font pas partie du passé. Les nations continueront et pour longtemps d’être les acteurs du monde. La mondialisation capitaliste ne signifie nullement leur disparition.

Combattre la mondialisation capitaliste ne consiste pas à restreindre le développement de chaque pays dans le stricte cadre de ses frontières.

Les nations échangent entre elles des biens des services, des capitaux. Les gains de productivité sont devenus tels que même dans le cadre du plein emploi et de salaires réévalués, le marché intérieur est vite saturé.

Les Etats ne peuvent plus gérer seuls, comme bon leur semble, bon nombre de problèmes (agriculture, pêche, transports aériens, maritimes, ferroviaires, production et distribution d’énergie, normes, environnement,…), ils n’ont pas l’ensemble des compétences leur permettant de mener à bien seuls des projets technologiques complexes. Ce qui implique des gestions concertées permanentes et donc intégrées.

Concernant la monnaie, le volume et la diversité des échanges entre pays imposent une monnaie commune.

Cette monnaie présente l’avantage pour chaque Etat membre de continuer à mener une politique économique et monétaire adaptée à leur économie conjoncturelle nationale. En effet, un Etat ne peut maitriser sa politique économique sans maitriser sa monnaie. L’euro de par sa nature s’oppose à toute politique économique nationale.

Le PCF propose de modifier les critères de la BCE afin d’utiliser l’euro pour la croissance. Il ne dit pas comment faire pression sur les critères de la BCE. Mais, pour que l’euro soit une monnaie économique, encore faut il qu’il soit la devise d’un Etat.

L’Europe politique n’est pas un état fédéral mais une association d’Etats nationaux. Le PCF serait il devenu aussi fédéraliste que le défunt Lecanuet ? L’approche du PCF est une approche essentiellement monétariste. On modifie les critères de la BCE, on utilise les fonds régionaux sur des critères d’efficacité sociale et comme par miracle les entreprises changent de stratégie !

Ce n’est pas par des solutions monétaristes venues d’en haut que la BCE imposera d’autres choix au capital. Cela est à mettre au même niveau que la monnaie commune mondiale objectif inaccessible à court moyen et long terme qui relève du romantisme bureaucratique et qui présente l’avantage d’éviter de réfléchir de manière théorique et approfondie aux exigences immédiates de l’action relative à l’euro.

Le PCF oublie qu’il n’y a pas qu’une seule place financière européenne, mais autant que d’Etats nationaux qui se livrent entre eux une compétition acharnée dans la captation des capitaux. La monnaie unique ne peut être autre chose que la monnaie de liberté de mouvement du capital et de captation de capitaux.

Le retour aux monnaies nationales ne peut être considéré comme un retour en arrière.

La monnaie unique a masqué certaines contradictions, mais en généré d’autres qui amplifient les rapports de puissance (dominants/dominés) au sein de l’UE. Il faut revenir à un système monétaire reposant sur des Etats régulateurs. Dans le cadre d’une monnaie commune, la BCE doit veiller au rééquilibrage des échanges afin d’éviter le recours aux règles déflationnistes classiques (déflation salariale). Il faut arrêter de faire payer aux Etats qui leur reportent sur leur population, la liberté de mouvement du capital financier et industriel. Il ne peut y avoir de maitrise de la politique industrielle sans maitrise par l’Etat national des mouvements de capitaux. C’est la condition sine qua non pour accroitre la production nationale et réduire les différences de compétitivité entre économies qui est à l’origine des mouvements spéculatifs sur les monnaies, le retour au contrôle des changes limitant le pouvoir des financiers spéculateurs.

2°) La lutte contre le capital mondialisé doit en premier lieu reposer sur une base nationale.

Plus haut dans le texte il est affirmé que « les nations continuent d’être pour longtemps les acteurs du monde » car elles assurent la cohérence d’un espace économique et d’un espace politique face une mondialisation capitaliste dont le processus spatial est sans forme.

Les nations sont devenues les résultantes et non les éléments actifs de la mondialisation, les Etats fonctionnant comme les servants directs du capital mondialisé. Les fonctions de l’Etat social se sont réduites au fur et à mesure que la classe ouvrière qui en avait été porteuse perdait de son influence. (L’analyse des raisons de cette perte d’influence sort du cadre de cet article).

La dérégulation qui a accompagné la liberté de mouvement du capital s’est traduite par une intensification de l’exploitation des salariés et par une remise en cause de leur droit qui les laisse désarmés face aux délocalisations.

Dans sa lutte contre le capital, le salariat doit reprendre la main. Il ne peut le faire que dans le seul cadre identitaire historique qui est celui de la nation. C’est dans le cadre national que le salariat par ses luttes a arraché au capital ses conquêtes sociales qui ont humanisé la société. Ce cadre doit servir d’appui aux luttes pour contraindre les gouvernements nationaux à adopter dans les diverses instances internationales des positions conformes aux intérêts de leur peuple.

Cette approche est à l’opposé de celle d’Attac et de l’alter mondialisme qui sous prétexte de combattre la mondialisation « libérale » et non la mondialisation capitaliste ont déserté le terrain national pour s’investir dans des forums européens et mondiaux dont le bilan est nul. Il est vrai que la mouvance altermondialiste n’a jamais ambitionné de changer le cours de l’histoire.

La nation est un processus construit dans l’histoire dont l’évolution n’est pas achevée. Cette évolution repose sur la lutte des classes.

L’enjeu de l’affrontement entre le salariat et le capital en ce début de 21e siècle consiste pour le salariat à contester au patronat et à l’Etat capitaliste leurs critères de gestion. Cette question est centrale dans l’affrontement de classe. La compétence de gestion ne doit pas être du seul ressort des élites bourgeoises. C’est le rôle d’un parti révolutionnaire et du syndicalisme de lutte de former le salariat à ces questions. Cette approche est aux antipodes de la démarche purement électoraliste du front de gauche et d’alliance sans principe du syndicalisme rassemblé.