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Odieux attentat de Charlie-Hebdo : ne laissons pas l’émotion collective être détournée en « Union sacrée »

janvier 2015, par Saint Martin d’Hères

L’assassinat d’au moins 12 personnes au siège de la rédaction du magazine Charlie-Hebdo suscite une horreur et une émotion générales, renforcées par la notoriété d’une partie des victimes. Nous les éprouvons profondément. La condamnation de l’attentat est également générale dans les propos publics. Communistes, nous la portons aussi, comme nous dénonçons formellement l’attaque contre la liberté d’expression et la revendication obscurantiste des meurtriers. Le symbole de l’assassinat de ces journalistes et de ces dessinateurs, avec des victimes collatérales, pour blasphème, fait froid dans le dos.

Pour nous, le consensus public doit commencer et s’arrêter à ces réactions premières et essentielles. Dès à présent, les tentatives de récupération de l’émotion collective se multiplient. Elles ne sont pas qu’indécentes, elles sont dangereuses.

On saura peut-être un jour – ou non - les motivations personnelles profondes des deux meurtriers et de leur complice, leur niveau d’organisation. Mais les effets recherchés de l’attentat sont évidents et commencent déjà se produire. Il vise à attiser les divisions, les tensions, les haines, les tendances au repli, dans la population suivant des identités supposées, voire recomposées. Depuis des mois, nous assistons, parallèlement, à une nouvelle surenchère raciste, entre discours identitaires qui s’alimentent, en France comme dans la plupart des pays d’Europe. C’est tout sauf une une coïncidence si l’attentat survient alors que des manifestations s’affichant hostiles aux Musulmans sont organisées et enflent toutes les semaines en Allemagne, qu’en France, les régurgitations haineuses de chroniqueurs et d’écrivains sont complaisamment mises en avant.

Il faut tout faire pour contrecarrer les objectifs et les conséquences recherchées de l’attentat. Plus que jamais, sur la base de la fraternité, à commencer par l’intérêt de classe commun entre travailleurs, notre priorité est de combattre toute forme de racisme et de xénophobie, sur les lieux de travail, dans les quartiers et campagnes, dans toute la société.

Les islamistes et les racistes jouent dans leurs tentatives d’embrigadement ou de développement de la haine du marqueur identitaire important que représente la religion musulmane pour une partie de leur cible. Nous refusons de tomber dans ce piège consistant à assimiler une population à une religion.

Nous luttons, comme contre toutes les autres formes de racisme, contre le racisme dirigé contre les personnes supposées de religion musulmane, parce qu’elles sont originaires de pays où cette religion est dominante.

Après le terrible attentat, plus que jamais, nous dénonçons les amalgames entre les croyants musulmans et les obscurantistes intégristes, voire les terroristes qui se réclament de la même religion. Nous veillons à ne pas tomber dans le piège qui consiste à assimiler une population à une religion.

Ces mouvements de haine, les fascistes islamistes, l’extrême-droite, les nouvelles formes de racisme se développent sur un terreau fertile, en France et dans le monde.

  • Ce terreau, c’est la détresse sociale croissante du monde du travail, de la crise du capitalisme dont le capitalisme lui fait payer les frais avec les politiques menées par les gouvernements successifs en France.
  • Ce terreau, c’est les politiques du capital et du patronat exploitant toutes les différences et appartenances pour mettre en concurrence les travailleurs les uns contre les autres, dans notre pays, comme au plan international. C’est celle de l’Union européenne qui casse les droits sociaux partout, mais notamment à l’est pour en faire un réservoir de main d’œuvre à vil prix, qui opère une sélection sordide, inhumaine, meurtrière au sud pour recruter des immigrés dans les pires conditions. Que d’hypocrisie, de discours ambigus, assimilant notamment immigration et chômage, immigration et insécurité, voire immigration et terrorisme chez les politiciens qui nous gouvernent, de droite ou de « gauche », tout prêts en même temps à flatter des lobbys électoraux religieux localement.
  • Ce terreau, c’est celui qu’enrichit l’impérialisme des Etats-Unis, de la France, qui fait, tour à tour voire en même temps, des mouvements islamistes dans le monde des complices, des alliés, des faire-valoir ou des repoussoirs pour ses agissements.

La comparaison entre l’attentat de Charlie-Hebdo et ceux du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis vient immédiatement. L’attentat de Charlie-Hebdo commence à être médiatisé comme un événement planétaire. Nous devons redouter des récupérations politiques de même nature de la part du système. Les messages d’Obama ou Cameron indiquent la voie que les Hollande, Sarkozy et autres sont tentés d’élargir encore. Au nom de la lutte contre le terrorisme, ils ne cessent de justifier les guerres impérialistes dans le monde, mais aussi insidieusement des formes de répression en France même. Cette tentation est constante. Dernièrement encore, avec un impact limité, le pouvoir a tenté d’utiliser l’assassinat atroce d’un alpiniste français hasardé dans des montagnes algériennes.

Qu’il est beau le bilan de leurs interventions en Afghanistan, Irak ou Libye, justifiées par le 11 septembre ? Le terrorisme impérialiste nourrit le terrorisme islamiste et inversement ! Aujourd’hui toujours, au Moyen-Orient ou en Afrique, les impérialismes américain et européens n’hésitent pas, avec leurs alliés, les dictatures islamistes obscurantistes du Golfe ou le régime islamiste turc, en tout cynisme, à alimenter et armer les pires groupes islamistes quand cela arrange leur intérêt à court terme pour mieux les combattre en croisade après...

Même sans fondement matériel, sans que les difficultés des uns et des autres soient assimilables, une transposition idéologique de ces guerres, de ces drames, des humiliations infligés à certains peuples, s’effectue en France. C’est une constatation.

Nous ne pouvons pas refuser les replis identitaires, dénoncer et combattre leurs expressions extrêmes, sans combattre les guerres impérialistes où la France est engagée ou complice qui tuent aussi des innocents et par milliers.

Après le terrible attentat de Charlie-Hebdo, nombre de politiciens, plus ou moins discrédités dans le pays, réagissent bruyamment et se précipitent pour afficher leur émotion, pour récupérer celle des autres. Il n’est pas question pour nous de rentrer dans la nouvelle « Union sacrée » à laquelle ils appellent, instrumentalisant à leur tour, à nouveau, le terrorisme.

Les multinationales de la communication arborent les mêmes identifiants que les politiciens de quasiment tous les bords, que les manifestants spontanés.

Quel cynisme ! Au nom de la défense de la liberté d’expression, on impose une pensée unique, un embrigadement, on se prépare à utiliser l’émotion et la peur pour museler l’opinion, engager de nouvelles guerres, poursuivre la politique porteuse de destructions sociales, de recul démocratique, recherchant les divisions et la haine parmi les exploités.

Nous nous retrouvons humainement avec tous, peu importe leurs options politiques ou philosophiques, dans le choc et l’affliction causés par le drame de Charlie-Hebdo.

Mais, politiquement, face aux fascismes, l’expérience l’a montré, de vastes rassemblements consensuels, sur la base de sentiments ou de valeurs superficiels, manipulés par ceux dont la politique en fait le lit, se retournent contre la cause défendue.

Nous serons de ceux qui mèneront une lutte profonde et globale contre ces politiques qui sont le terreau de l’attentat de Charlie-Hebdo.