Communistes, nous jugeons indispensable un bilan d’étape du mouvement engagé le 5 décembre 2019.
Si le calendrier de la lutte est appelé à se caler sur les débats à l’Assemblée à partir du 17/02, nous affirmons qu’il n’y a rien à attendre des votes des parlementaires. Il y a aussi très peu à attendre des déclamations et des procédures des politiciens de l’opposition.
De même, la « conférence sur le financement des retraites », entamée le 30 janvier, est un leurre grossier. Pour le gouvernement, elle vise à faire passer l’idée d’un consensus sur ses faux constats et faire cautionner ses fausses solutions.
A l’actif du bilan, depuis le 5 décembre,
les mobilisations ont atteint des niveaux inédits depuis des années.
Les manifestations nationales interprofessionnelles ont été les plus rassembleuses depuis celles de 2010 contre la casse des retraites Sarkozy/Fillon (où la question de la fin de la retraite à 60 ans était plus claire).
La mobilisation des cheminots de décembre/janvier, d’une ampleur quasi-inédite, a dépassé l’action, dans la continuité, de 2018 contre la phase précédente de la privatisation du rail. Preuve a été faite de la possibilité d’une grève reconductible, populaire, pour s’opposer aux choix de marchandisation.
Dans l’éducation nationale, dans la suite des importants mouvements du printemps 2019, la bataille contre la casse des retraites rassemble du primaire à l’université. La mobilisation pour l’école publique n’avait jamais atteint ce niveau depuis 2003.
Aux finances publiques de l’Isère, les agents sont en grève reconductible depuis le 2 décembre contre la casse les fermetures de services qui coïncide avec la nouvelle casse des retraites.
A EDF, où, simultanément, la nouvelle casse des retraites coïncide avec le plan de scission-privatisation d’EDF (« Hercule »), la grève a atteint des niveaux inédits depuis 2002/2004.
Il faudrait mentionner aussi les ports, l’opéra de Paris, Radio-France, l’Office national de la Forêt, et, dans de nombreuses villes, la participation aux grèves de salariés du secteur privé.
Mais, Macron a su user au mieux, pour l’instant, du calendrier et du « en même temps
Le choix, en septembre, à l’initiative de deux syndicats réformistes, du 5 décembre comme point de départ de la lutte a questionné, dès le début. Cette date ne correspondait à rien pour une convergence des luttes, surtout pas au dépôt du projet de loi contre les retraites. Le piège de Noël était évident. Malgré une mobilisation exceptionnelle dans l’éducation, il n’y a pas eu de mouvement reconductible avant les vacances. Les grévistes des transports ont répondu avec panache et intelligence à la provocation du gouvernement à la « trêve », multipliant les actions symboliques fortes. Mais les réserves financières ne sont pas infinies. Il faut en tenir compte. Il faut faire l’analyse du fil de la mobilisation de l’automne.
Le pouvoir a bien joué du « en même temps » (et de ses différés prudents).
- A la SNCF, il y a un lien direct entre la casse des retraites et la dernière phase du processus de mise en concurrence/privatisation prévu par la « réforme » ferroviaire : la convention collective de branche.
- Dans l’éducation, Blanquer a lié, avec chantage, les pertes de retraites à des compensions salariales, subordonnées à une dénaturation du métier d’enseignant. Comment refuser de rentrer dans les « négociations » sur des augmentations, même sans garantie ?
- A EDF, le pouvoir a choisi le différé en repoussant d’un mois la nouvelle augmentation des tarifs (1er février) et de plusieurs mois le plan de scission-privatisation du service public.
Défait sur le fond mais en situation d’aggraver son projet ? Inacceptable !
Le soutien à la retraite par points de Macron est toujours aussi faible. Même les cadres, durement touchés, s’en détachent. La menace de diminution brutale de toutes les retraites par la dévalorisation du point est comprise. Les fonctionnaires dénoncent l’attaque contre leur statut. L’introduction des fonds de pension débute pour les cadres par prélèvement sur le salaire net pour une retraite aléatoire via la finance. Cette évolution est largement rejetée.
Mais Macron a profité de l’absence de concordance des temps de lutte, en janvier, pour déposer son projet de loi aggravé. Le projet Delevoye était connu dès juillet. Macron l’a alourdi en janvier, par 29 articles à régler par ordonnance. Les réticences du Conseil d’Etat traduisent cette précipitation opportuniste, qu’il refuse d’assumer.
L’alternative politique ne partira que des luttes sociales.
Les provocations, antipopulaires, de Macron font délibérément le jeu du populisme de Le Pen, en vue d’anesthésier le débat politique. Le Pen promet la retraite à 60 ans, par pure démagogie, puisqu’elle promet, en même temps, au patronat de diminuer les cotisations sociales !
Mélenchon lui emboîte le pas sur le terrain de 2022. C’est lamentable.
Les partis de gauche, d’extrême-gauche et écologistes ont organisé des meetings communs. Ils aboutissent à une « plateforme commune » qui ne remet pas en cause le principe de la retraite par points et ambitionne de renforcer « l’employabilité » des séniors de 55 à 64 ans.
La « gauche plurielle » des Jospin, Fabius et Hollande ont sapé le financement de la sécurité sociale et préparé la casse de la retraite solidaire, avec des exonérations record pour le patronat, avec le CICE. Ils ont détourné la lutte de 2010 pour les déconvenues du quinquennat Hollande. Ils sont prêts à reprendre du service comme alternance factice. Sans nous !
Communistes, dans le débat, nous réaffirmons notre opposition à des changements systémiques du financement des retraites, notamment une modulation des cotisations sociales en fonction de la politique d’emploi des entreprises. C’est une légitimation des aides publiques au profit. Ou encore, nous refusons d’asseoir le financement des retraites sur des prélèvements sur la finance (qui sont bienvenus mais pour d’autres fins). Ce serait rompre avec la solidarité forte entre actifs et retraités, sur la base du salaire socialisé, et rentrer dans la logique de financiarisation des retraites.
Pour nous, le financement des retraites doit se faire par la restitution des exonérations de cotisations sociales patronales, puis par l’ajustement de ces cotisations au niveau des besoins. L’argent existe.
La référence doit redevenir la retraite à 60 ans avec 37,5 annuités, calculées sur les 10 meilleures années pour le privé et les 6 derniers mois pour le public. Cette référence est partagée et elle a bien fonctionné. Elle correspond aux carrières de notre époque.
Revendications/initiatives : Prioritairement, communistes, nous appelons au soutien et à la solidarité avec les camarades syndiqués, de la SNCF, des finances en Isère, de l’EDF etc., les lycéens qui subissent directement les manœuvres de répression.
Nous participons à la réflexion sur les liens et la hiérarchisation des luttes, entre rejet de la retraite par points, refus de la mise en concurrence du réseau RATP (Pécresse accélère le processus en Ile-de-France), lutte contre la « réforme ferroviaire » (CGT et FO ont fait valoir leur droit d’opposition aux volets rémunérations, classifications de la convention collective organisant la concurrence – les volets retraites et dialogue sociale viennent)… Dans l’éducation, les négociations sur les rémunérations ne peuvent se faire sous le chantage à la baisse des retraites, alors que la casse du bac, notamment, suscite d’importants mouvement.
A EDF, en lien avec l’opinion publique quant à l’augmentation des tarifs et des taxes, la bataille contre le plan « Hercule » de scission-privatisation, après les nouvelles hausses du 1er février (10% sur 12 mois), la mobilisation peut et doit s’étendre. PETITION EN LIGNE : https://edf-stop-scission-privatisa...
En février, la lutte pour le retrait pur et simple de la retraite par point doit continuer. Le rapport de force doit être entretenu et préservé. La bataille et la grève se font sur des revendications gagnantes et rassembleuses, conséquentes, loin du folklore dans lesquels certains médias voudraient nous réduire.