Les contours de la nouvelle contre-réforme des retraites sont prévisibles.
La « concertation » annoncée sera une mascarade destinée à tenter d’associer les organisations syndicales et à lui donner un semblant de légitimité. On prépare l’opinion à un recul de l’âge du droit au départ (61, 62 ans…), à un nouvel allongement de la durée de cotisation (43,5 annuités envisagées maintenant d’ici 2050). D’autres mesures, plus discrètes, pourraient avoir aussi de lourdes conséquences : de nouvelles remises en cause des retraites de réversion, de la prise en compte des années d’apprentissage ou de chômage, du droit au départ à taux plein à 65 ans...
Le procédé politique est toujours le même, utilisé pour la contre-réforme Veil-Balladur de 1993, la loi Fillon1 de 2003 ou l’attaque contre les régimes spéciaux en 2007. Les gouvernements fabriquent des déficits en bloquant le moteur du financement des retraites, la cotisation sociale, en multipliant les exonérations pour le patronat, en encourageant les bas salaires. Puis, au nom des déficits sociaux, il dégrade les prestations.
Cette année, le Medef espère aller plus loin dans la casse de l’ensemble du système. Le patronat ne renonce jamais à remettre la main entièrement sur ce qu’il a dû céder en 1945, grâce notamment au ministre communiste Ambroise Croizat : la solidarité entre salariés actifs et retraités, par la part socialisée du salaire, la cotisation sociale. Mme Parisot veut ainsi « plafonner les cotisations retraites » (Figaro du 17 février). M. Saint-Geours, patron des patrons de la métallurgie, estime que le « financement par les cotisations sociales de la solidarité en termes de retraite ne paraît pas cohérent » (Les Echos du 22 mars).
Leur objectif, commun au gouvernement et à l’UE (sommet de Barcelone en 2002), se précise. La retraite par répartition serait progressivement supplantée, d’un côté, par un minimum vital, de type minimum vieillesse, financé via l’impôt par les salariés eux-mêmes, de l’autre par l’épargne par capitalisation, inégalitaire et qui permet aux capitalistes de drainer vers la finance une part des salaires net. C’est « la fusée à trois étages ».
Les conditions du rapport de forces existent dans le pays pour mettre en échec ce plan de casse des retraites.
LES SALARIES ONT A LEUR DISPOSITION TOUS LES ARGUMENTS POUR CONTRER L’OFFENSIVE IDEOLOGIQUE DU POUVOIR.
Il est absurde de prétendre faire travailler les plus de 60 ans lorsque de 3 à 7 millions de plus jeunes sont au chômage.
Le prétexte démographique, mis à mal par la montée du taux de fécondité en France, ne tient pas devant les gains de productivité du travail (une comparaison adéquate : 800.000 agriculteurs nourrissent mieux les Français en 2010 que 10 millions en 1945).
Les 7,7 milliards d’euros de déficit fabriqué de la branche vieillesse en 2009, année de « crise », sont à comparer avec les 33 milliards d’euros d’allègements de cotisations sociales patronales.
Avec la « crise » et la chute de la bourse, la capitalisation a du plomb dans l’aile. Les retraités et futurs retraités américains ont vu leur épargne retraite, placée dans des fonds de pension, fondre de 27% en 2008.
LES SALARIES SONT AUSSI FORTS DE L’EXPERIENCE DES LUTTES DE 2003, DE 2007, DE 2009.
La démonstration est faite : aucune des promesses des contre-réformes précédentes n’a été tenue, mais le niveau moyen des retraites a baissé de 20% depuis 1993.
L’entreprise de division entre salariés du privé et du public, contre les régimes spéciaux en 2007, la fonction publique en 2003, en jouant des différences réelles (ex : évolution de carrière, prise en compte des primes), a servi à faire reculer la situation de tous. Elle ne doit plus prendre : tous les salariés ont intérêt à défendre ensemble les régimes de chacun.
Les retraites représentent un point de convergence objectif, évident, de toutes les luttes qui montent dans le pays. La question du rassemblement est prioritaire. On peut tirer les enseignements de l’expérience du déroulement de la lutte en 2003 contre la loi Fillon1, celle des grandes journées de mobilisation, espacées, sans revendications convergentes précises, du premier semestre 2009.
La recherche de l’unité des organisations ne doit pas être un frein au rassemblement des salariés, des jeunes, des retraités, au plan syndical comme au plan politique.
Le 17 janvier, Martine Aubry a lâché qu’elle envisageait le report de l’âge de départ à 62 ans. François Hollande accepte l’idée d’un allongement de la durée de cotisation. Le PS, comme la social-démocratie des autres pays (Espagne), partagent les orientations de l’UE.
La perspective pour gagner la nouvelle bataille des retraites ne peut être d’attendre l’alternance en 2012 ou de s’abaisser au niveau des positions du PS.
Elle se situe dans la mobilisation de masse, avec un soutien très majoritaire, possible pour mettre en échec la nouvelle contre-réforme du gouvernement.
L’urgence, c’est d’inverser le processus de démantèlement, précisément c’est :
de défendre le droit à la retraite au plus tard à 60 ans pour tous (55 ans pour les métiers pénibles),
de refuser tout allongement de la durée de cotisation.
Mais il est aussi nécessaire d’aller plus loin. Le droit à la retraite à 60 ans, à taux plein (75% du salaire brut) est de moins en moins satisfait. L’âge moyen de départ recule chaque année : 61,7 ans avec 72% du salaire en 2009. De nombreuses femmes notamment sont pénalisées. Quant au pouvoir d’achat des retraités, il ne cesse de reculer. Aucune retraite ne devrait se situer en dessous du SMIC.
Pour améliorer le niveau de retraite, il faut revenir sur les contre-réformes passées.
Les retraites doivent être à nouveau indexées sur l’évolution des salaires (et non sur l’inflation officielle).
Le départ à 55 ans doit être accordé aux métiers pénibles.
Pour des retraites décentes à 60 ans, on peut et on doit revenir, pour commencer, aux 37,5 annuités de cotisation et au calcul sur les 10 meilleures années. Ce mode de calcul des retraites assure la légitimité du système pour les salariés et son lien avec le travail. Il ne faut surtout pas l’abandonner.
Au centre du financement doit rester et être pleinement rétablie la cotisation sociale, lien solidaire entre travailleurs actifs et retraités. Taxer les revenus financiers, c’est très bien ! Mais on ne peut asseoir les retraites sur cette ressource aléatoire dépendant du capital. La finance ne crée pas de richesses, elle pompe celles créées par le travail.
Le besoin de financement actuel du système peut être satisfait rein que par la suppression des 33 milliards d’euros d’allègement de cotisations sociales patronales, dont la moitié de cotisations vieillesse. Elles ne servent qu’à nourrir les profits des grandes entreprises et les dividendes des actionnaires. Même la Cour des comptes a dû reconnaître leur absence d’effet sur l’emploi.
L’augmentation des salaires, les embauches, dans le privé comme dans la fonction publique, augmentent naturellement les ressources des différents régimes de retraite. 100 euros d’augmentation pour tous les salariés représenteraient 10 milliards d’euros de cotisations retraites supplémentaires.
Des formes de rémunération, notamment pour les patrons eux-mêmes (stock-options…) échappent scandaleusement aux prélèvements sociaux.
Enfin, on ne voit pas pourquoi, le cours de l’histoire du progrès social devrait s’interrompre. Quand le besoin s’en fera sentir, il faudra augmenter le taux des cotisations patronales, bloqué depuis 1979. Les gains de productivité, la richesse produite doivent aller aux travailleurs actifs et retraités.
Là est aussi le choix de société fondamental !