Parti Communiste Français Section de Saint-Martin d’Hères
Accueil du site > Histoire > La Commune de Paris (1871 - 1971)

La Commune de Paris (1871 - 1971)

mars 2017, par Saint Martin d’Hères

Le 17ème congrès de la Fédération Syndicale Mondiale vient s’est déroulé à Durban, en Afrique du Sud, du 5 au 8 octobre 2016. A cette occasion, nous vous proposons de revenir sur son Histoire et plus particulièrement sur l’année 1971.

1971 – La FSM rend hommage à la Commune de Paris

La 3ème session du bureau de la FSM qui s’est tenu du 21 au 23 avril 1971 à Paris, mérite bien d’être qualifiée d’un évènement historique. Elle l’était, ainsi que l’a constaté dans ses conclusions le secrétaire général de la FSM, Pierre Gensous, par le fait qu’elle se tenait au moment du centième anniversaire de la Commune, par le fait aussi qu’elle se tenait, pour la première fois depuis 20 ans, sur le sol qui a vu naître la FSM. 

Le 21 avril, les membres du Bureau de la FSM ont assisté à une soirée commémorative en l’honneur de la Commune de Paris, organisée par la Confédération Générale du Travail dans l’imposante salle Pleyel.

ALLOCUTION DE PIERRE GENSOUS Secrétaire général de la FSM (Texte intégral)

« Chers camarades,

Tout d’abord, permettez-moi de vous transmettre les salutations les plus chaleureuses et les plus fraternelles de la Fédération Syndicale Mondiale.

En associant la FSM à l’hommage que nous rendons ce soir à la Commune de Paris, nous voudrions évoquer tout particulièrement la profonde signification internationale du fait historique que nous commémorons.

En effet, la grande importance de la Commune de Paris consiste également en son profond caractère international, en son aspiration vers la fraternité des travailleurs du monde entier, vers la paix entre les peuples.

Première expérience de prise de pouvoir par les travailleurs, ses prolongements allèrent bien au-delà des frontières françaises. Les révolutionnaires en tirèrent des enseignements ayant une valeur générale et internationale. En effet, il est indéniable que les succès, les erreurs, les faiblesses de la Commune ont constitué un précieux apport pour le mouvement ouvrier international sur le chemin de la lutte contre l’exploitation et l’oppression capitalistes, pour le triomphe du socialisme.

Ce caractère international s’illustra aussi, à l’époque, par le grand mouvement de solidarité internationale, qui entourait la Commune et dans le fait qu’elle a rallié à son combat de nombreux étrangers, qui furent ‘’admis, selon la vieille expression de Marx, à l’honneur de mourir pour une cause immortelle’’.

La Commune est donc la première expérience, sur le plan international, de l’établissement d’un pouvoir ouvrier. Avec la Commune, une nouvelle classe – le prolétariat – entrait dans l’arène politico-sociale, comme une force dirigeante et, malgré tous les obstacles, dans les conditions extrêmement difficiles de l’époque, prenait en mains, pour la première fois dans l’histoire, le destin du pays ; luttant pour sa propre émancipation, il luttait aussi pour l’émancipation de la société toute entière de l’exploitation et de l’esclavage. C’est la première expérience de la Commune, son trait le plus spécifique, c’est-à-dire son caractère prolétarien.

Depuis que le prolétariat existait en tant que classe, il participait, dans les premiers rangs, à tous les évènements révolutionnaires, mais ses efforts étaient exploités par la bourgeoisie, qui l’avait toujours frustré de ses victoires.

Il en fut ainsi jusqu’à la Commune. Lissagaray, l’historien de la Commune dit à ce propos : ‘’En 1830, en 1848, en 1870, le peuple escaladait l’Hôtel de Ville pour le céder presque aussitôt aux dérobeurs de victoires. En 1871, il y reste, refuse de le rendre et pendant plus de deux mois, administre, gouverne, mène au combat la cité…’’ Mais il ne suffit pas de se rendre au pouvoir, et dès le premier jour, se pose la question de son contenu. La Commune fait surgir une nouvelle forme d’état à caractère socialiste, tendant à extirper les bases économiques sur lesquelles se fondent l’existence des classes, donc la domination de classes.

C’est là un fait historique fondamental de l’expérience, avortée certes, mais toujours valable de la Commune, un apport, à beaucoup d’égard décisif, pour le mouvement ouvrier international.

La Commune a ouvert la voie, du fait qu’elle fut un régime où la classe ouvrière jouait un rôle déterminant et elle est la première révolution qui se soit fixée pour tâche d’instaurer le socialisme, même si l’idée du socialisme qu’avaient nombre de communards était influencée par des conceptions dépassées par la vie ; elle eut l’immense mérite de poser en termes concrets les problèmes de la révolution économique et sociale. Tout ceci est exprimé par les mesures politiques et sociales appliquées par la Commune.

Les vieilles idéologies s’effondraient et une conception plus clairvoyante des buts et de la pratique révolutionnaire s’imposait dans les faits.

Premier exemple de gouvernement prolétarien, la Commune a été, par vote de conséquence, une source irremplaçable pour élaborer les principes de la stratégie et la tactique du mouvement ouvrier international. Les leçons de la Commune tirées par Marx et Lénine, ont aidé à la victoire historique de la Révolution d’Octobre en Russie, qui a permis l’édification victorieuse du premier Etat socialiste dans le monde.

La lutte héroïque des communards parisiens fut l’incarnation de l’internationalisme prolétarien. Il est donc normal et légitime que l’évènement soit célébré par les travailleurs du monde entier.

Le rappel du caractère international de la Commune n’est pas inutile au moment où certains voudraient en donner une image déformée et amenuiser sa véritable signification.

Il en est ainsi de ceux qui tentent de présenter la Commune comme le simple sursaut d’un sentiment national, foulé aux pieds par le gouvernement de l’époque.

Certes, il y a dans la Commune, comme élément important, une manifestation évidente de patriotisme, qui amène à une prise en charge de l’intérêt national face à la trahison des classes dirigeantes ; ce sont les ouvriers, en tant que classe, qui refusent de s’incliner devant la Prusse de Bismarck, mais face à la bourgeoisie française qui trahit, ils se proposent une autre tâche, imprégnée d’un caractère de classe : renverser le capitalisme. Face à cette prise de conscience par les travailleurs de leurs possibilités, éclate au grand jour la grande peur des possédants, la grande peur de la bourgeoisie française et internationale.

Les travailleurs parisiens sont mitraillés, non seulement par les troupes prussiennes, mais aussi par celles du gouvernement, qui s’entend avec Bismarck, qui scelle une alliance avec l’agresseur. ‘’Plutôt Bismarck que la Commune’’, tel était leur mot d’ordre, comme quelques décennies plus tard, d’autres forces dirigeantes, appartenant à la même classe, s’écriaient : ‘’Plutôt Hitler que le Front Populaire’’.

La Commune fut donc un mouvement à caractère national, et de classe, dans la mesure où, après la trahison de la bourgeoisie, il s’est avéré nécessaire, pour la classe ouvrière alliée à la petite bourgeoisie, de prendre en main le destin de la nation trahie et que la lutte pour la libération nationale s’est intimement liée à celle pour la libération des travailleurs de l’exploitation capitaliste.

Le fait que la Commune mettait en cause les fondements de la société, ses répercussions allaient bien au-delà des frontières de la France. La bourgeoisie internationale ne s’y était pas trompée, la classe ouvrière non plus. De nombreux étrangers prirent part à la Commune, comme Frankel, l’ouvrier hongrois, qui fut l’un des militants les plus actifs de l’Internationale et Ministre du Travail pendant la Commune. C’est justement à son égard que la Commune adoptait le 31 mars, la décision suivante : ‘’Considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle, considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent, la Commission est d’avis et vous propose l’admission du citoyen Frankel’’. Aux côtés de Dombrowski et Wroblewski, Chefs militaires des plus capables, luttèrent 300 autres Polonais. Avec Amicase Cipriani, compagnon d’armes de Garibaldi, combattirent aussi de nombreux Italiens ; une des dirigeantes les plus éminentes du mouvement des femmes était la révolutionnaire russe Elisabeth Dimitrieff. 237 Belges furent arrêtés à la fin de la Commune et tant d’autres qui, venus de tous les pays, se sont retrouvés étroitement solidaires aux côtés des communards dans la lutte et face à leurs assassins versaillais, car la cause de la Commune était aussi leur propre cause.

La Commune suscita à travers l’Europe et le monde un extraordinaire mouvement de solidarité, brillant exemple de l’internationalisme prolétarien. A l’appel de la Première Internationale, les travailleurs de nombreux pays prirent la défense des communards.

En Allemagne, la Commune fut courageusement défendue. Des grèves éclataient en Hongrie, des manifestations de masse eurent lieu, ainsi qu’en Angleterre et en Belgique. D’autres manifestations et actions de solidarité se déroulèrent en Italie et dans d’autres pays, actions d’importance diverse, suivant la maturité du mouvement et la force des idées du socialisme. Ce fut également le cas en Algérie, soumise à la domination coloniale française, où éclata une insurrection nationale, favorisée par les évènement de France. Elle s’étendit en grande partie au pays et les insurgés s’emparèrent de plusieurs centres, bloquant les garnisons françaises. Si l’insurrection n’a pas pu vaincre, elle a montré, pour la première fois, l’intérêts communs des peuples coloniaux et celui de la métropole dans leur lutte contre la bourgeoisie réactionnaire, leur ennemi commun.

Toute une classe sociale, par delà les frontières, se reconnaissait dans la Commune, qui eu ainsi une influence directe sur le développement ouvrier syndical révolutionnaire.

La Commune fut à l’origine d’un bond en avant dans le rayonnement des idées du socialisme et dans l’organisation du prolétariat. On peut affirmer que la Commune fut un véritable berceau du mouvement syndical révolutionnaire, avec des buts précis et une plus forte organisation dans chaque pays, plus structurée qu’auparavant.

Alors que s’achevait l’effroyable répression, Thiers triomphant proclamait : ‘’on ne parle plus de socialisme et l’on fait bien… Nous sommes débarrassés du socialisme…’’ Paroles prophétiques, s’il en fut, bien dignes de la perspicacité de cet individu sans scrupules et sans honneur. Mais dans ce moment même, dans Paris, qui n’en finissait plus d’enterrer ses cadavres, alors que l’on fusillait encore les derniers martyrs de la Commune, un communard échappé de la tuerie, fait jaillir de son cœur des strophes vengeresses et de confiance lumineuse en l’avenir. Il avait pour nom POTTIER ; il appelle sa chanson ‘’l’Internationale’’. Elle le devint effectivement. Et de quelle façon. Elle fut et reste toujours de tous les combats de la classe ouvrière. Elle est chantée dans tous les pays et dans toutes les langues du monde. Elle est devenue l’hymne de tous les travailleurs du monde entier. Non ! Thiers ne fut pas ‘’débarrassé du socialisme’’, ses successeurs encore moins. Bebel avait raison, lorsque le 29 mai 1871, il déclarait devant le Reichstag allemand : ‘’La lutte à Paris est une bataille menée par un détachement d’avant-garde peu nombreux, mais dans quelques dizaines d’années, le cri de guerre du prolétariat parisien : guerre aux palais, paix aux chaumières, mort à la misère et à l’oisiveté, sera celui du prolétarien européen’’.

Malgré les prévisions de Thiers, cinq ans après la Commune, le socialisme se remet du coup qui l’avait frappé. Les tribunaux militaires faisaient encore le procès des communards, lorsqu’en 1876, le Premier Congrès Ouvrier se réunit à Paris. Quelques années plus tard, nait le Parti Socialiste. Des Parti Socio-démocrates se formèrent en Europe et aux Etats-Unis. Tous ces partis, toutes les tendances du socialisme se sentent unis et solidaires sous le drapeau glorieux de la Commune. Pour toutes ces raisons, la Commune restera immortelle et la propriété du mouvement ouvrier international.

46 ans plus tard, le rêve généreux des communards trouvait, en Russie une application définitive et concrète avec la Révolution d’Octobre. Symboliquement, le drapeau de la Commune, noirci de poudre et troué de balles, qui flotta sur une des dernières barricades à Belleville et qui enveloppa le corps de Lénine, marque cette alliance indissoluble entre 1871 et 1917. Quelques années encore et voici que naissent et prospèrent d’autres pays socialistes. D’autres victoires se préparent.

Oui ! Le poète avait raison : ‘’La Commune n’est pas morte’’. Elle est plus vivante que jamais dans l’action de millions et de millions de travailleurs dans tous les continents, construisant le socialisme, ou luttant contre l’exploitation capitaliste, contre l’impérialisme et le colonialisme, pour la démocratie et le progrès social, pour le socialisme et un avenir de Paix.

VIVE LA COMMUNE !