par Fosco Giannini, membre de la direction nationale du Parti de la Refondation communiste (PRC), sénateur honoraire, et dirigeant du courant de l’Ernesto. Dans Liberazione, journal du Parti de la Refondation Communiste, le 9 juin 2010. (Traduction MA)
La crise va porter atteinte, et ce pour une longue période, la vie matérielle des peuples et des travailleurs dans toute l’Union Européenne, Italie y compris.
Le taux de chômage des pays de la zone euro est de 9,7%, le taux le plus élevé depuis 1999, tandis que le taux de l’UE à 27 est de 9,2%, le plus élevé depuis 2000.
Les chômeurs en chair et en os sont 22 millions et 123 mille, dont 15 millions et 324 mille dans la zone euro (Rapport Eurostat). Dominique Strauss-Kahn, directeur du FMI, a prévu pour 2011 un taux de chômage, pour l’UE, de 11%, avec le danger, « en perspective et si ne se dégage pas une stratégie de sortie de crise, que l’Europe atteigne les 50 millions de chômeurs ».
La gravissime crise grecque et celles qui frappent les autres pays de la zone Euro s’ajoutent à la radiographie déjà impitoyable du FMI, confirmant le caractère structurel, systèmique, de l’involution hyper-libérale de l’Europe de Maastricht, d’Amsterdam et de Bolkenstein et la nécessité d’une contre-offensive internationaliste, anti-capitaliste et de classe aux attaques anti-ouvrières et anti-populaires inhérents au code génétique de cette UE.
Les politiques des gauches modérées européennes par rapport à la « ligne d’Amsterdam » ont été utilisées au service du libéralisme de l’UE.
Pour ceux qui insistent dans la recherche du réformisme mou, convient le diction selon lequel « Dieu rend aveugle celui qu’il veut perdre ».
Frappante, de ce point de vue, la re-lecture du passage du texte Vendola au dernier Congrès du PRC, dans lequel il chantait des louanges répétées à Zapatero, identifié comme le nouveau phare de l’ensemble de la gauche européenne.
Frappante parce qu’aujourd’hui c’est le même Zapatero qui est parmi les premiers à se mettre à genoux devant les diktats de l’UE, annonçant la mise en œuvre de politiques du sang et des larmes.
Et frappant le fait qu’aujourd’hui, au sein du PRC, certains dirigeants d’ « Essere Comunisti » identifient dans Vendola – qui, avec sa scission, marquée par la volonté de liquidation historique du parti communiste, a frappé au coeur Rifondazione – le point cardinal de la construction d’une sorte de Die Linke italienne (évoquée de façon incongrue par le camarade Grassi, au vu de la différence historique et politique entre la formation allemande et la gauche modérée vendolienne), Linke dans laquelle se trouveraient aussi en son sein des communistes, réduits – dans cette optique – à n’être qu’une composante d’une force, d’un parti, de gauche.
Tandis qu’il est tout à fait évident que pour la relance d’un parti communiste dans notre pays, est absolument prioritaire la nécessité de l’autonomie politique, culturelle et organisationnelle des communistes, autonomie qui ne s’oppose en rien à un élan unitaire à gauche.
Face à crise structurelle du capital, avec l’attaque contre les conditions de vie et de travail des masses, et au danger concret de graves involutions anti-démocratiques et autoritaires, si ce n’est bellicistes, nous devons nous poser la question – elle fait partie de la profonde culture communiste – de la construction d’un bloc social, d’un « front populaire » pour défendre le travail et la démocratie, unissant les forces politiques qui représentent les intérêts du prolétariat et des classes et des groupes sociaux touchés par la crise. La construction de la Fédération de Gauche peut être une première réponse partielle à cette exigence.
Mais si avec cette question ne se pose plus la question communiste, le fait est qu’on l’évacue et on ne travaille plus, explicitement, pour construire un parti communiste plus solide, plus fort et socialement et politiquement plus incisif que les petits partis communistes aujourd’hui présent dans notre Pays – PRC et PdCI – la question même de l’unité à gauche perd de sa valeur, perd du contenu et son caractère stratégique, glissant vers une opération politiquement molle et peu mobilisatrice pour les milliers de militants communistes qui en constituent l’ossature.
Seul un parti communiste – qui, en tant que tel, lutte pour « une alternative socialiste de système » et est donc anti-capitaliste – peut-être le point cardinal d’une coalition de gauche plus large en mesure de tenir tête au néo-impérialisme européen et aux involutions anti-démocratiques.
Autrement, la gauche italienne sera vouée à sa défaite définitive, courant derrière l’idée vendolienne de servir de caution de gauche au centre-gauche et de glisser vers une position de subordination envers le PD et la libéral-démocratie.
Tout comme l’expérience communiste italienne serait vouée à sa perte si nous ne posions plus, comme question centrale dans notre Pays, la reconstruction d’un parti communiste qui puisse, dans la période donnée, servir à nouveau à la classe ouvrière de point de référence crédible et rouvrir, à temps, un horizon de transformation sociale radicale.
Cette force, par ailleurs, si ce n’est celle communiste, pourrait saisir l’essence stratégique de la promesse de carnage social qui aujourd’hui vient du gouvernement Berlusconi et organiser, en l’élargissant à gauche, la réponse de classe.
Pendant un long moment, au PCI qui « s’occhiettisait » et ensuite même au PRC, il y eut (et il reste) un ostracisme idéologique par rapport au Parti communiste de Grèce (KKE).
Aujourd’hui que le message de lutte lancé par le KKE aux peuples européens depuis l’Acropole d’Athènes s’empare des jeunes et des mouvements de lutte de toute l’Europe, nous devrions, avec plus de détermination et de liberté intellectuelle, nous poser le problème prioritaire de la reconstruction, dans notre pays, d’un parti communiste en mesure d’impulser, d’organiser la lutte et d’unir les forces de la gauche de classe, porteuse d’alternative.
Les involutions modérées, fussent-elles en mesure d’obtenir à court-terme quelque succès électoral, pourraient bien au contraire mener à une défaite stratégique.