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Hommage à Nelson Mandela, dirigeant révolutionnaire, figure anti-coloniale, compagnon de route des communistes

décembre 2013, par Saint Martin d’Hères

Avec la disparition de Nelson Mandela, les communistes de Saint-Martin-d’Hères se souviennent avec émotion de ce jour de mars 1988, le huit précisément, où le maire communiste de l’époque, Jo Blanchon, inaugura le rond-point Nelson-Mandela en présence de Dulcie September, représentante de l’ANC en France, alors que celui-ci croupissait encore dans les geôles de l’apartheid depuis 1962. Ils se remémorent également l’odieux assassinat de Dulcie September trois semaines plus tard, en plein jour, devant les bureaux de l’ANC à Paris, par les services secrets Sud-africains vraisemblablement. Dans le prolongement du rond-point Nelson-Mandela, l’avenue Dulcie-September fut dénommée ainsi en novembre de cette année-là.

Nelson Mandela était un des derniers grands dirigeants révolutionnaires, de la lutte anti-coloniale du XXème siècle. Loin des récupérations politiciennes en France, il est bon de rappeler le fond de l’engagement du père de la nation sud-africaine. 

Une figure exceptionnelle : grande et humble, éprise de convictions profondes et du souci constant de l’unité, de finesse politique et sens profond de la justice. Le risque de l’hagiographie est là, surtout quand certains veulent le transformer en « icône inoffensive ».

Les hommages hypocrites vont pleuvoir, comme hier ceux de Lang, Delanoë ou Sarkozy, aujourd’hui même Fabius ou Obama (les va-t’en-guerre en Afrique !). Certaines vérités sont bonnes à rétablir, sans volonté de récupération, sans travestir la vérité.

Pour rappeler qui fut Nelson Mandela, sa « longue marche vers la liberté » (de son peuple), main dans la main avec les communistes, qu’il a toujours respectés, à défaut de l’avoir été.

De la méfiance envers les communistes aux premières amitiés ‘rouges’ : l’expérience du non-racialisme

De son adolescence, Mandela tire des convictions chrétiennes qui ne le quitteront jamais et des illusions sur les bienfaits des impérialistes européens, qu’il laissera vite, au contact du racisme gangrénant la société sud-africaine, héritage de la colonisation.

Arrivé en 1941 à Johannesburg, pour ses études de droit, déjà proche de l’ANC, il fait connaissance avec tout un ensemble d’amis communistes –Ruth First et Joe Slovo, pour les plus célèbres, ou encore Gaur Radebe, qui l’influença profondément.

Comme il le rappelle dans son autobiographie, il va y rencontrer les « premiers blancs qui m’ont traité comme un homme », et se dira impressionné par ce parti où européens, indiens et africains travaillent ensemble, sans distinction de race.

Pourtant, fort de ses préjugés religieux et anti-communistes, Mandela reste méfiant envers les communistes dans un premier temps. Comme il le rappellera à son procès de 1956, il est en 1947 pour l’expulsion des communistes de la Jeunesse de l’ANC, dont il était dirigeant.

Ce sont deux événements majeurs et l’attitude du PC sud-africain (SACP) dans ces moments critiques qui vont bouleverser ses idées reçues, éveiller son sens aigu de la justice.

Mandela le communiste ? Un rapprochement dans la lutte anti-coloniale

En 1948, la légalisation de l’apartheid par le « Parti national » et en 1950, le « Suppression of communism act » qui interdit le Parti communiste, criminalisait de fait toute action de protestation, toute critique du régime de ségrégation.

Mandela dira plus tard que la loi de 1950 sera un déclencheur. Profond démocrate, il perçoit la menace contre les communistes comme le précurseur d’une offensive générale contre le mouvement de libération nationale.

Surtout, dans l’action, le SACP se révèle le meilleur allié du mouvement anti-colonial : dans la grève générale de 1950, le mouvement de désobéissance civile de 1952, la campagne de boycott, plus tard dans la lutte armée.

A partir de ses discussions avec ses amis, les grands dirigeants communistes Moses Katane, Joe Slovo, du rôle international joué par l’URSS dans la lutte anti-coloniale, les barrières tombent. Mandela lit Marx et Lénine, s’ouvre aux conceptions philosophiques matérialistes.

En 1952, il est arrêté en vertu de la « Loi sur la répression du communisme », premier procès d’une longue série. Il est reconnu coupable du délit de « communisme » et condamné aux travaux forcés.

Libéré entre-temps, il participe à l’élaboration de la « Charte pour la liberté » en 1955, un document fondamental dans la voie vers la libération, insistant sur un programme socialiste, privilégiant la nationalisation des grandes industries.

Du procès de Mandela au procès du régime d’apartheid : 1956-1960

De nouveau arrêté en 1956, il est poursuivi à nouveau dans un procès de « haute trahison » qui durera cinq ans.

Sa défense est brillante, par son calme, sa résolution, son esprit dialectique, il retourne le procès, mettant en accusation le régime d’apartheid, comme Dimitrov avait pu le faire à Leipzig en 1933.

Quand les procureurs essaient de le piéger sur son « adhésion au communisme », lui répond qu’il n’est « sans doute pas communiste », mais il refuse de désavouer leur action, leur idéologie, leur sincérité dans la lutte pour la démocratie.

Le témoignage de Mandela balaye toutes les accusations sur son adhésion à la lutte armée, au système de parti unique, retournant avec sérénité ces arguments « contre le despotisme le plus vicieux que l’on puisse penser », réprimant toute velléité de réforme pacifique.

En 1961, le procès rendu public touche à sa fin, il s’est retourné contre ses instigateurs. Mandela et ses camarades sont déclarés non-coupables, un camouflet pour le régime qui désormais va chercher à le mettre hors d’état de nuire.

Avec son « ami », le communiste Joe Slovo : de la fondation de la guérilla au procès de Rivonia

Mandela entre alors dans la clandestinité. Ses relations avec le SACP sont plus étroites que jamais – certains comme l’historien Stephen Smith évoque même une possible brève adhésion au Parti, toujours niée par Mandela – sans qu’il n’ait sans doute été réellement communiste.

Inspiré par l’exemple de la révolution cubaine, il fonde avec les dirigeants du Parti communiste, dont Joe Slovo, la branche armée de l’ANC : Umkhonto we Sizwe ou MK, destinée à multiplier les actes de sabotage, à se convertir en une potentielle armée de guérilla.

Arrêté de nouveau en 1962, cette fois le régime ne compte pas lui laisser la moindre chance de se servir du prétoire comme d’une tribune. Au procès de Rivonia, malgré la défense de son ami communiste l’avocat Joe Slovo, il est condamné à perpétuité.

L’ « enfermé » de Robben Island : maintenir la flamme de la résistance, malgré les brimades

Ses 27 années de détention, de l’âge de 44 à 72 ans, ont forgé le caractère de fer de Mandela, sans entamer son amour de l’Humanité. Elles ont aussi éveillé les consciences internationales sur l’injustice du régime d’apartheid, face au sort de cet « Enfermé » du XXème siècle.

A Robben Island, pendant 18 ans, il vit dans une cellule de 2 m sur 2, soumis aux brimades, aux tortures, à l’isolement carcéral ne sortant que pour casser des cailloux sous un soleil de plomb qui lui brûlera les yeux.

Cela ne l’empêche pas de mener la résistance en prison pour obtenir l’amélioration des conditions de détention, former ses camarades d’infortune, dialoguer avec des jeunes noirs idéalistes du courant de Steve Biko comme avec les gardiens de prison blancs.

Cuba, URSS, PCF, MJCF : le rôle des communistes dans la libération de Mandela

C’est aussi en prison qu’il a pu pleinement apprécier le rôle des communistes dans la mobilisation pour sa libération, et surtout la libération du peuple sud-africain.

Comme pour Angela Davis, le mouvement communiste international – avec le PCF et la JC en première ligne – mène une campagne de masse pour « libérer Mandela », lancée à la Fête de l’Humanité 1985, relayée par des manifestations de masse.

Sur la scène internationale, Mandela rappellera la dette de son pays envers l’Union soviétique, seul allié inébranlable depuis 1948.

Interrogé au début des années 90 aux Etats-unis sur sa position face à l’URSS, il rappelait que « ce pays s’était toujours positionné à côté du peuple sud-africain, et qu’il ne le critiquerait jamais ».

Il rappellera son admiration pour la lutte du peuple cubain, la lutte pour l’indépendance menée par Fidel Castro, et l’aide décisive apportée par Cuba à la victoire contre le régime d’apartheid, avec le soutien de la RDA et de l’URSS, en Angola.

Faut-il rappeler qu’au même moment Mandela était qualifié de « terroriste » par Thatcher, que les États-Unis de Reagan soutenait les guérillas pro-apartheid (avec un rôle trouble de la Chine) en Angola.

Avec le Parti communiste sud-africain, « ce n’était pas un mariage d’intérêt »

Enfin, cette période renforce son respect le plus profond pour l’engagement sincère des communistes sud-africains à la défaite du régime d’apartheid.

Quand en 1985, le président Botha lui propose la libération en échange du renoncement à la lutte armée et de la rupture des liens avec le Parti communiste, il refuse catégoriquement.

A sa libération, il participe au premier meeting de réactivation du SACP, en 1990, soulignant qu’il tenait à être présent car « le Parti communiste s’est distingué comme un allié dans la lutte commune pour mettre un terme à l’oppression raciale et à l’exploitation des masses de notre pays. Il a combattu aux côtés de l’ANC pour l’objectif commun de la Libération nationale de notre peuple, sans chercher à imposer ses vues à notre mouvement ».

Lors du 9 ème Congrès du SACP, en 1992, Mandela insistait encore sur ce qui l’unissait avec les communistes : une expérience commune de la lutte, une fraternité unique, un même objectif commun à court-terme, liquider l’apartheid.

Mandela ne niait pas les divergences, notamment sur la société future à construire et les moyens d’y arriver, mais il tenait en estime le choix du SACP d’avoir « compris et respecté le fait que l’ANC était une organisation indépendante » sans chercher à l’instrumentaliser. 

Comme il le dit en 1992, « ce n’était pas un mariage d’intérêt avec le Parti communiste ni une communion d’organisations similaires » mais ce que « nous continuons à apprendre, c’est que ce qui nous unit est bien plus fort que ce qui nous divise ».

Toujours en 1992, il rendait hommage au SACP comme « le plus grand héraut des intérêts de la classe ouvrière, des travailleurs et des pauvres », rendant impérieuse l’unité d’action avec un « Parti renforcé » pour consolider le mouvement démocratique.

Certes, toutes les promesses de l’après-Apartheid n’ont pas été tenues. Nelson Mandela, arrivé au pouvoir en 1994 (à 76 ans !) a réussi à poser les bases d’une société multi-raciale, rétablie dans son indépendance nationale, à infléchir le cap du racisme et de l’injustice de l’apartheid.

Il n’est pas arrivé à en effacer les séquelles, ni à imprimer un cap réellement différent – en dépit d’améliorations sensibles dans l’accès à la terre, à l’éducation et à la santé – faute d’avoir appliqué pleinement la « Charte de la Liberté », notamment les nationalisations.

Sous l’influence des jeunes loups ambitieux de l’ANC, déjà acquis aux thèses sociales-libérales, et d’un esprit du temps de révolution conservatrice – après la chute du Mur – Mandela n’a pu poser les bases d’une société réellement alternative.

Après son retrait de la vie politique, malgré la fatigue puis la maladie, il n’a jamais abandonné ses convictions, s’exprimant avec courage contre la politique d’apartheid d’Israël, les guerres criminelles de l’OTAN, pour la libération des formes modernes de colonialisme.

Jusqu’à ses derniers jours, il fut un partisan de l’ « alliance tri-partite » avec le SACP et la centrale syndicale COSATU, de plus en plus tiraillée, déchirée par l’orientation néo-libérale acccélérée après le départ de Mandela, et la succession de Mbeki puis Zuma.

Comme il aimait à ponctuer ses discours : « La lutte continue » pour redonner le pouvoir au peuple : « Amandla Ngawethu » (le « pouvoir au peuple » en Xhosa).

La lutte continue pour une Afrique du sud réellement démocratique, non-raciale, libre et égalitaire – passant par la construction d’un socialisme aux couleurs sud-africaines – elle portera l’héritage de son père fondateur, « Madiba », le grand Nelson Mandela.     *Cet article est largement inspiré des propos tenus par Nelson dans son rapport aux communistes qui occupent un partie importante de son autobiographie « Long walk to freedom » publiée en 1994.

Article AC pour http://solidarite-internationale-pc...

D’autres analyses : http://www.pcf-smh.fr/Hommages-a-Ne...