Parti Communiste Français Section de Saint-Martin d’Hères
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Produire français ? Selon Georges Marchais en 1980 : Nationalisations et planification démocratique !

décembre 2011, par Saint Martin d’Hères

Quelle politique industrielle pour le PCF ? Nous sommes en 2011. Les politiciens de droite, centre inclus, d’extrême-droite et de gauche reprennent en cœur les slogans « produire français », « produire en France » que le PCF portait il y a 30 ans. Ils ne manquent pas d’air, si vous nous permettez l’expression.

Au pouvoir successivement, ensemble sous la bannière de l’UE du capital :

- Ce sont eux qui aident massivement les entreprises qui ferment les usines ou délocalisent.

- Ce sont les mêmes qui privatisent et livrent les marchés publics d’équipement, au moyen d’appels d’offres, à des groupes privés qui produisent souvent à l’étranger.

- Ce sont les mêmes qui sabotent depuis des années l’éducation nationale en général et l’enseignement professionnel en particulier.

- Ce sont les mêmes qui, de concert, droite, centre et PS, imposent en France les traités et directives européens, la libre circulation des capitaux, le libre-échangisme selon l’OMC, la généralisation de la concurrence déloyale et faussée.

- Ce sont les mêmes qui ont imposé l’euro et entendent maintenant tout faire pour le sauver.

Comme les communistes l’ont justement dénoncé dans les années 90 en combattant Maastricht, l’euro a servi et sert à renforcer la mise en concurrence entre les travailleurs et les pays, aussi bien dans la zone euro qu’avec l’extérieur.

L’euro favorise les industries les plus structurellement exportatrices, notamment allemandes, et écrase les activités en développement des autres pays de sa « zone ».

L’euro « fort » permet aux grands groupes de délocaliser très avantageusement dans les pays périphériques, à coûts encore moindres, y compris pour réimporter les biens produits.

En France le résultat est irréfutable : Le solde commercial des produits manufacturés s’est effondré passant de + 5 milliards d’euros en 2000 à - 30 milliards d’euros en 2010.

L’évolution de l’industrie automobile est la plus édifiante.

La France est un des seuls pays du monde à posséder (encore ?) une filière automobile complète. Le solde commercial en biens automobiles est passé d’un excédent net de 10 milliards d’euros en 2000 à un déficit inédit de 5 milliards d’euros en 2010.

Les aides, les prêts, la prime à la casse, généreusement accordés par les gouvernements n’ont fait qu’accroître les dividendes, faciliter les délocalisations d’abord de la sous-traitance puis des unités de production des constructeurs. 30.000 emplois ont encore été rayés depuis deux ans.

Ces nouveaux adeptes du « patriotisme économique » s’efforcent de masquer la responsabilité de leur propre politique. Mais ils partagent un autre objectif : utiliser son résultat désastreux pour mieux poursuivre et aggraver les mêmes orientations !

- Au nom de la défense de l’industrie, érigée en « cause nationale », du renforcement de la compétitivité, ils conditionnent les salariés et l’opinion à de nouveaux sacrifices sur les salaires et sur la protection sociale.

- Ils préparent de nouveaux cadeaux aux entreprises sous toutes les formes. Avec la signification progressiste qu’il a prise en France après 1945, le mot « nationalisation » fait peur au patronat et au pouvoir. Mais des « prises de participation publique » pour faire porter les coûts d’investissements et de plans de suppressions d’emploi aux contribuables sont dans les tuyaux.

- Au nom de la « protection » de l’industrie, ils vont même sans vergogne jusqu’à justifier « plus d’Europe » et de tutelle de l’UE.

Le PCF a toujours développé une politique de défense de la production industrielle nationale tournée à la réponse aux besoins, en même temps que vers des coopérations internationales mutuellement avantageuses.

Après 1945, dans le contexte des destructions et du sabotage patronal d’un côté, du rapport de forces plus favorable aux travailleurs et aux organisations révolutionnaires de l’autre, le Parti a lancé la bataille de la production, a gagné d’importantes nationalisations et avancées démocratiques que le patronat n’a jamais cessé de remettre en cause depuis.

Nous reproduisons ci-dessous les passages du livre de Georges Marchais « L’Espoir au présent » de 1980 dans lequel il explique les positions du PCF alors sur le « produire français ».

Nous le faisons pour alimenter la réflexion et le débat d’aujourd’hui.

Le slogan « produire français » prête peut-être maintenant à des confusions contre-productives.

« Produire français » ne veut évidemment pas dire gonfler les profits de capitalistes français (qui ne valent pas mieux que les autres) pour qu’ils daignent maintenir l’appareil productif plutôt que de le casser.

Les positions défendues par Georges Marchais sont indissociables.

Comme on le relira, « produire français » n’a pas de sens sans « nationalisations et planification démocratique ».

En contraste, la faiblesse des positions du Front de gauche et de son leader Mélenchon sur ces sujets est atterrante. Les propositions semblent bien davantage destinées à donner un alibi « de gauche » à une future politique social-démocrate qu’à contribuer au développement des luttes.

Pour soutenir l’activité, il faudrait ainsi moduler les cotisations sociales en fonction de la politique de l’emploi des patrons : cela revient en définitive à rentrer dans le dogme de la baisse du coût du travail.

Le salaire différé, les cotisations sociales, les « charges » seraient responsables du chômage et de la casse industrielle et non la course au profit.

Il faudrait créer des fonds pour délivrer aux entreprises des aides mieux contrôlées, notamment via des « pôles publics de l’industrie rassemblant des partenaires publics et privés » (in programme « partagé »).

Voilà qui ne peut que légitimer de nouveaux cadeaux publics aux capitalistes. En 2001, Jospin avait déjà fait désigner Hue président d’une commission de contrôle des aides publiques aux entreprises dans ce but.

La formule ambiguë du Front de gauche, « pôles publics », s’applique à éluder la question décisive des nationalisations démocratiques.

Enfin, les porte-parole du Front de gauche, le Maastrichien Mélenchon en tête, ne cessent de défendre l’existence de l’euro et la nécessité de relégitimer l’UE en parfaite contradiction avec les analyses du PCF des années 90 qui se sont pourtant entièrement vérifiées.

Avec l’annulation du congrès du PCF pour imposer Mélenchon et le Front de gauche, les communistes ont été privés de réflexion collective sur la politique industrielle et la production.

C’est à partir de ses fondements théoriques, de ses positions historiques encore récentes que les communistes doivent la reconstituer.

Nous mettons en débat ces pistes :

- Il ne peut y avoir de politique industrielle sans augmentation des salaires directs (SMIC et rétablissement d’une échelle mobile) et différés (cotisations sociales, suppressions des exonérations patronales).

- La défense et la reconstitution des filières industrielles répondant aux besoins principaux nécessitent une intervention publique multiforme. L’accroissement de l’effort d’éducation, de formation et de recherche est fondamental.

La renationalisation des grands services publics et le rétablissement des monopoles publics sont une condition du développement de la production pour la réponse aux besoins.

L’orientation de l’épargne et du crédit vers la production nécessite la nationalisation démocratique (et non le renflouement) des institutions financières.

Face à la casse industrielle, la nationalisation d’entreprises structurantes, stratégiques, voire leur réquisition (éventuellement au plan local), sera indispensable.

- Seule des luttes intenses et coordonnées, au niveau des bassins d’emploi et au niveau national, permettront d’amener aux salariés et aux populations le contrôle démocratique et les droits nouveaux qui donneront leur sens progressiste aux nationalisations.

- Le développement de l’industrie en France exige de rompre avec l’UE du capital, de s’affranchir des traités et directives européens, de remettre en cause l’euro.

Après des années de « mutation », de « transformations », de « métamorphose », de « forums », de « collectifs » et de « front de gauche », retrouvons le fil de l’analyse communiste !

Extraits de « L’espoir au présent », Georges Marchais, 1980, éditions sociales, page 151 et suivantes

Produire français

C’est une illusion de croire qu’on peut parvenir à une grande industrie française en la spécialisant à outrance sur un nombre limité de « créneaux ». Comment, par exemple, prétendre à la maîtrise de la fabrication de certains articles textiles ou mécaniques si nous devons importer d’Allemagne fédérale les machines qui permettent de les fabriquer ?

Comment envisager de prendre une place importante dans les échanges internationaux de matériels électroniques si nous sommes asservis à la technologie américaine ?

Il faut donc reconstituer l’industrie française sur des bases nationales en accordant son développement à l’expansion du marché intérieur des biens de consommations, des biens intermédiaires et des biens d’équipement.

Cette politique est indispensable pour lever la contrainte extérieure réelle qui pèse sur l’économie française. Je veux parler de l’état de dépendance dans lequel nous place une politique giscardienne qui tient en quelques mots : le « tout à l’exportation », les investissements étrangers en France, l’américanisation de notre technologie, l’intégration européenne et atlantique.

Ce que je propose ne veut pas dire que la France doive produire sur son territoire national tout ce dont les Français et notre économie ont besoin.

Mais aujourd’hui, du fait de nos assujettissements à l’étranger, toute relance du marché intérieur tend à provoquer un afflux d’importation de biens de consommation et surtout de biens d’équipement. C’est inacceptable. Il faut donc renforcer les capacités de production dans les secteurs où nous sommes le plus vulnérables pour pouvoir diminuer les importations.

Mais, au-delà de ces préoccupations tenant à la dépendance de la France à l’égard de l’étranger, le développement des capacités de production française répond avant tout à la nécessité de satisfaire les besoins de notre population et de notre pays.

Si on fait des comparaisons internationales de consommation par tête, on s’aperçoit que les Français ne sont pas de gros consommateurs pour la plupart des biens.

De même, notre appareil productif national n’est pas – et de loin – l’un des plus gros consommateurs de ciment, d’engrais, de plastique d’acier, etc. Rien ne justifie donc le freinage actuel des investissements privés et à plus forte raison la casse à laquelle se livrent les capitalistes français.

Quant aux besoins dans le bâtiment et les travaux publics, la pénurie de logements sociaux, d’équipements collectifs et d’infrastructures de toute nature dit assez que la production française est bien loin du compte.

Il faut donc prendre en compte l’ensemble des demandes qui résultent du redressement de productions trop dépendantes de l’étranger et de productions inférieures au niveau des besoins du pays : c’est la base principale d’une politique industrielle dynamique et authentiquement nationale.

Cela signifie-t-il l’autarcie ? Absolument pas.

Nous ne fixons à l’avance aucune limite à nos échanges extérieurs, dès lors que les conditions d’un développement des bases productives situées sur le territoire français constituent un ensemble cohérent, solide et efficace.

Je pense même que c’est la meilleure façon de se donner les moyens d’une coopération extérieure diversifiée. Pour jouer un rôle, il faut « faire le poids ».

Cela n’est pas contradictoire avec la nécessité de défendre les productions nationales, en recourant, s’il le faut, à des mesures de sauvegarde.

Produire, français, c’est cela !

Renforcer nos capacités de production

Toutes les grandes branches doivent être développées en France et leur essor doit être coordonné en accordant une attention particulière aux filières majeures de l’agro-alimentaire et de l’exploitation des ressources naturelles (bois, mer, minéraux), de l’énergie, de la métallurgie et des biens d’équipement, de l’électromécanique et de l’électronique, de l’aérospatiale, de la chimie, des véhicules et des transports, du bâtiment et des travaux publics.

Ce développement national cohérent ne peut être réalisé à l’initiative des capitalistes.

Une politique industrielle ne peut être mise en œuvre sans ces réformes de structures dont j’ai parlé dans un précédent chapitre : les nationalisations et la planification démocratique.

J’ai parlé, par exemple, de nationaliser la sidérurgie.

La France a besoin d’une puissante industrie sidérurgique diversifiée sur une large gamme de produits, exploitant en priorité le minerais de fer et le charbon à coke nationaux et débouchant sur des activités métallurgiques de transformation.

Pour parvenir à la maîtrise nationale d’ensemble de ces travaux associés, à l’évidence, il faut réaliser une véritable nationalisation du secteur.

De même, l’indépendance nationale implique la maîtrise des principales industries de pointe.

La France a déjà de bonnes positions dans le nucléaire, l’aérospatiale et certains secteurs de l’électronique.

Ainsi est-elle bien placée en matière de télécommunications et dans de multiples activités de l’informatique, ce qui représente des points forts dans un monde où vont se poser de plus en plus des problèmes de communication, de liaison, d’automation.

Mais c’est une illusion de penser que la Nation pourra en tirer partie sans rompre avec la domination américaine, sans se donner les moyens d’imposer l’intérêt national contre les intérêts particuliers.

Le rôle du secteur public est donc appelé à croître.

Dès aujourd’hui, ce sont les entreprises publiques qui empêchent la conjoncture économique de s’effondrer et l’appareil productif de trop vieillir en assurant l’essentiel de la croissance des investissements.

Elles assument également des fonctions déterminantes aussi bien dans les échanges extérieurs que dans l’effort de recherche et de développement.

Le secteur public est l’outil décisif des transformations structurelles nécessaires. Son élargissement par de nouvelles nationalisations et sa démocratisation sont donc à l’ordre du jour.

D’autres moyens doivent être mis en œuvre pour renforcer les capacités de production en France. Il s’agit en particulier, des marchés publics dont les modalités sont, aujourd’hui, soumises à un petit nombre de fournisseurs capitalistes.

L’ensemble du système d’aides doit être redéployé pour mieux servir les objectifs nationaux d’emploi, de modernisation, d’innovation, de coopération internationale, de développement régional.