Parti Communiste Français Section de Saint-Martin d’Hères
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Plus d’1 million de manifestants en Italie ce 25 juin à l’appel de la CGIL et de la FIOM contre la « manœuvre » du gouvernement Berlusconi.

juin 2010, par Saint Martin d’Hères

10 000 manifestants à Cagliari et Bari ; 20 000 à l’Aquila en présence du secrétaire-général de la FIOM Maurizio Landini ; 25 000 à Palerme ; plus de 40 000 à Rome ; 70 000 à Naples et Milan ; 80 000 dans toute la Vénitie et enfin 100 000 à Bologne avec à la tête du défilé la vice-secrétaire de la CGIL, Susanna Camusso.

La journée de grève générale convoquée par la seule CGIL, ce mercredi 25 juin a mobilisé plus de 1 million de manifestants, qui sont descendus dans la rue aux quatre coins de l’Italie.

Dans un climat social tendu, marqué par le scandaleux chantage de FIAT envers ses salariés de Pomigliano (cf Chantage du patron de FIAT à l’usine de Pomigliano : alignement sur les conditions de travail des ouvriers polonais ou fermeture de l’usine), les travailleurs italiens ont opposé un Non clair et résolu au « budget d’austérité » préparé par le gouvernement Berlusconi et adopté en mai dernier, et qui prévoit des coupes massives dans la fonction publique, les collectivités locales ou encore la sécurité sociale.

Les taux de grévistes calculés par le gouvernement, avec les 2% annoncés par le ministre du Travail, frisent le ridicule puisque cela supposerait qu’il y aurait presque moins de grévistes que de manifestants.

La CGIL a tenu à rétablir la vérité et a mis en avant la forte mobilisation dans les transports urbains (50% de grévistes à Rome ou Milan) ou encore dans le transport aérien (plus de 80 vols annulés à Fiumicino-Rome). La FIOM avance le chiffre de 70% de grévistes chez les métallurgistes, avec des pics à 95% à IVECO-Milan, ou 90% à Maserati-Modène.

Le plan du gouvernement Berlusconi (dit la « manoeuvre ») est en réalité une véritable saignée qui touchera avant tout les fonctionnaires mais qui n’épargnera aucune famille populaire, directement ou indirectement.

Asphyxie des collectivités locales et service public en miettes : le processus de régionalisation arrivé à son terme.

Des 25 milliards d’économies prévues par le gouvernement Berlusconi, au moins 15 milliards proviennent de coupes dans les aides accordées aux administrations locales : 10 milliards d’aides en moins pour les régions, 1 milliard pour les provinces, 4 pour les communes. Sans oublier la baisse de 10% du budget alloué au Fonds pour les régions sous-développées.

Présenté pendant des années comme un modèle par certains, le régionalisme italien reposait d’abord sur une délégation de certaines compétences dévolues antérieurement à l’État et, depuis 2001, sur la délégation de l’ensemble des compétences hormis celles définies comme revenant exclusivement à l’État (principe européen de subsidiarité). C’est dans ce cadre légal que la santé est devenue une compétence exclusivement régionale et l’éducation une compétence partagée.

Corollaire de cette décentralisation, une autonomie financière permettant légalement aux régions de fixer les niveaux de fiscalité de manière autonome, un « fédéralisme fiscal » qui jusqu’ici n’a jamais été appliqué pleinement, car il équivaudrait à l’éclatement de facto de l’État unitaire. Umberto Bossi, leader de la Ligue du Nord, en a fait la condition de ses alliances locales avec le parti de Berlusconi.

Ces nouvelles coupes dans les aides aux entités locales déboucheront logiquement sur l’asphyxie des collectivités locales, les forçant soit à dégrader le service rendu, soit à augmenter la fiscalité locale, soit enfin à sous-traiter le service public. Dans tous les cas, les inégalités entre régions riches et pauvres en sortiront renforcées.

La fonction publique, victime expiatoire du gouvernement.

Si le mécanisme de décentralisation/externalisation des services publics aboutit tant à la dégradation générale du service rendu, des conditions de travail du personnel, qu’à l’abolition du caractère universel, unitaire et national du service public, cela n’empêche pas le gouvernement de promettre la purge également dans les secteurs partiellement décentralisés.

D’un côté, 2,68 milliards d’euros d’économies sur le dos du personnel de la Santé. De l’autre Gelmini, ministre de l’éducation, maintient le cap des 120 000 suppressions de postes dans l’Education Nationale en 3 ans. Avec l’année prochaine, déjà 60 000 postes en moins dont 25 000 emplois d’enseignants. Comme le scandaient les enseignants à Milan mercredi : « Quand Gelmini coupe (taglia), l’Education gueule (raglia) ».

La recherche ne sera pas épargnée par la casse de l’Education nationale avec la fermeture de 40% des instituts de Recherche.

Aucun secteur de la fonction publique n’est épargné par le plan d’austérité, avant tout avec la réduction annuelle de 10% des budgets des ministères entre 2011 et 2013. Cette baisse de 20% devrait se traduire dans l’immédiat par le non-renouvellement des contractuels et par le gel des embauches.

L’objectif fixé par le gouvernement reste le remplacement de seulement 20% des fonctionnaires partant à la retraite... et pendant ce temps on demande aux fonctionnaires ayant droit à la retraite après avoir cotisé 40 ans de rester un an de plus.

L’illustration d’une réforme du « bon sens » qui marche sur la tête.

Les retraites dans le collimateur : 61 ans pour 2013, 63 ans pour 2015 et les femmes alignées par Bruxelles !

En dépit de l’extrême complexité du système de retraites italien avec une différenciation public/privé, hommes/femmes, et entre une pension « vieillesse » (sorte de minimum vieillesse par répartition) auquel tout salarié a droit après 65 ans pour les hommes, 60 pour les femmes, et 20 ans de cotisation, et une pension « ancienneté » (assimilable à une retraite à taux plein) après 59 ans et 36 ans de cotisations, l’essentiel de la réforme peut se résumer ainsi : tout le monde devra travailler plus longtemps.

Le gouvernement prévoit d’augmenter l’âge de départ à la retraite pour toutes les pensions :

Pour la pension « vieillesse », à 66 ans pour les hommes, 61 ans pour les femmes en 2015. Puis à 69 ans pour les hommes et 64 pour les femmes d’ici 2050.

Pour la pension « ancienneté », à 61 ans pour tous pour 2013, puis 63 ans en 2015 et enfin 66 ans en 2050.

Une mesure a symbolisé l’injustice de cette réforme : le passage de 60 ans à 65 de l’âge de départ à la retraite des femmes fonctionnaires... au nom de l’égalité Homme/Femme.

Sans surprise, c’est bien la Commission Européenne et la Cour de Justice Européenne, dans une décision datant de 2008, qui ont fait pression sur le gouvernement italien pour qu’il restaure l’égalité Homme/Femme dans ce domaine.

« La Cour de justice européenne et les directives européennessont claires. Depuis vingt ans, il aurait fallu adapter la législation, maintenant la Cour a dit ça suffit et le gouvernement italien doit le faire », a sermonné la commissaire européenne à la Justice et l’égalité des chances, Viviane Reding, qui a trouvé un interlocuteur compréhensif avec le gouvernement Berlusconi

Le Code du Travail en danger, la Constitution en péril.

La plus insidieuse des contre-réformes prévue par le gouvernement est celle qui passe sans doute le plus aperçu. Et dont le scandale de Pomigliano est l’exemple même : la remise en cause du Code du Travail (Statuto dei Lavoratori) et de la Constitution dans laquelle il s’insère.

Les conditions de travail et salariales fixées jusqu’ici par des conventions collectives nationales seraient désormais déterminées par des accords séparés, de branche et surtout d’entreprises, tandis que l’individualisation du contrat de travail deviendrait la norme.

Parmi les mesures les plus frappantes, l’introduction de la notion d’arbitraire dans le licenciement d’un salarié et la remise en cause du droit à porter les litiges entre employeurs et employés devant un juge, comme cela est constitutionnellement reconnu.

Car la suppression des conventions collectives, la non-justification des licenciements et enfin le droit à porter un conflit avec son patron devant une Cour sont autant de droits constitutionnellement garantis, et que le gouvernement et le patronat cherchent désormais à détruire méthodiquement.

Des syndicats en ordre dispersé : une FIOM combative et une CGIL hésitante.

Au-delà des syndicats réformistes les plus droitiers (CISL et UIL) adhérant pleinement au projet gouvernemental, la CGIL n’a pas non plus manifesté une absolue clarté dans son opposition au projet gouvernemental.

Certes, elle a mobilisé massivement pour cette journée de grève, certes le mot d’ordre « Tout sur nos épaules ? Non à la manœuvre » se veut offensif. Toutefois, le discours dominant chez les dirigeants confédéraux est moins intransigeant. « Nous sommes en attente d’un retour à la table des négociations » pour Nicola Nicoloni secrétaire confédral de la Calabre, « On peut changer la réforme, la corriger dans le sens d’une plus grande justice (…) Nous n’avons jamais dit qu’une réforme n’était pas nécessaire » pour Vera Lamonica, secrétaire confédéral de la Sicile. Même état d’esprit pour la numéro 2 de la CGIL Susanna Camusso, en tête du corège Bolognais : « Personne ne nie que nous devons faire des économies, mais ces réductions doivent être justes et tournées vers l’avenir, plutôt que de tailler dans les dépenses ».

En somme, pour les dirigeants confédéraux de la CGIL, après la contestation vient le temps de la négociation, de concessions à la surface qui ne toucheront pas à l’essentiel. Une réforme est nécessaire, suffit-il de la rendre un peu plus juste.

Ce n’est pas tout à fait la ligne de la FIOM, syndicat des métallurgistes affilié à la CGIL. Sous le mot d’ordre « A l’usine, au bureau, à l’école, à la maison : sans droits, on est des esclaves », les syndiqués de la FIOM ont volé la vedette à la CGIL dans le cortège Milanais. Groupés derrière 8 lettres de 2 mètres de haut « D.I.G.N.I.T.A », les métallurgistes ont repris le discours de leur fédération : « Contre l’arrogance de la FIAT et du patronat, contre la manœuvre du gouvernement, contre la nouvelle législation du travail (…) pour la défense de l’emploi, des salaires, des droits, pour la Convention collective nationale, pour l’extension des amortisseurs sociaux, pour l’arrêt des licenciements, pour que ce soient les riches et les évadés fiscaux qui payent, pour le Code du Travail (Statuto dei lavoratori), pour le droit de grève et pour défendre la Constitution de la République ».

Un patronat qui en veut toujours plus et un gouvernement toujours aussi arrogant et revanchard.

Au lendemain de l’annonce du plan, si le patronat a manifesté sa satisfaction, il s’est rangé derrière Mario Draghi, gouverneur de la banque d’Italie : « Si la manœuvre était inévitable, il faut maintenant des réformes ». Toujours plus ! Cette phrase est aussi une annonce : cette contre-réforme n’est qu’un hors d’œuvre.

Pourtant confronté à une CGIL ouverte au « dialogue social », le gouvernement se veut arrogant et revanchard, comme le ministre du Travail Sacconi « Je souhaite que ce soit la dernière grève du XXème siècle italien, c’est-à-dire que ce soit le dernier fruit d’une approche idéologique des problèmes ».

C’est le même Sacconi qui avait déclaré après l’accord honteux présenté par la direction de FIAT aux ouvriers de Pomigliano : « Cet accord fera école ». Avec la généralisation prévue, par le plan d’austérité, de ces méthodes anti-sociales à l’échelle nationale, cette petite phrase prend tout son sens.

Les forces existent en Italie aussi pour mettre en échec un gouvernement et un patronat revanchards, mais dans un contexte politico-culturel différent, c’est toujours l’affaiblissement dramatique des forces de classe, révolutionnaires après la liquidation du PCI en 1991, qui pèse terriblement sur la capacité du mouvement ouvrier italien à ouvrir une alternative aux politiques du capital, quelque soient les forces qui les portent.