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Elections législatives allemandes : l’issue pour les travailleurs viendra d’ailleurs.

septembre 2013, par Saint Martin d’Hères

Les élections législatives du 22 septembre 2013 en Allemagne ont fait l’objet d’une attention particulière à l’étranger. Le pays est présenté comme le grand épargné, sinon comme le grand profiteur, de la crise en Europe. Les commentateurs s’abstiennent bien de différencier les grands cartels capitalistes qui prospèrent et les travailleurs, dont 7 millions (souvent étrangers) sont réduits aux « mini-jobs » à quelques euros de l’heure pendant que les autres contraints à de nombreux reculs sociaux sur leurs conditions de travail, leur retraites etc.

Cette offensive de l’idéologie dominante, l’illusion d’une préservation relative du pays de la crise, au prix de sacrifices « raisonnés », a visiblement fonctionné en Allemagne même, du moins chez les catégories encore socialement stables.

Non seulement le parti de Angela Merkel, la CDU (avec sa filiale bavaroise, la CSU) ne subit pas un vote sanction mais il est assuré de rester au pouvoir, approchant la majorité absolue en sièges. Ce résultat, 42% des voix – en progression de 8% par rapport aux élections de 2009 – est toutefois à relativiser.

Son partenaire dans la coalition sortante, le Parti libéral s’effondre, passant de 14 à 4,8% et disparaît du Bundestag. Le FDP, représentant direct des milieux d’affaires, finit de perdre son rôle politicien de parti charnière. Avec Mme Merkel, l’image réactionnaire et cléricale de la CDU/CSU s’est estompée dont le FDP était un contrepoint.

La coalition de droite sortante perd en définitive 2%.

La gauche ne progresse pas pour autant mais elle se rééquilibre à l’avantage de sa composante centrale, le Parti social-démocrate.

Le SPD remonte de 23% à 26% des voix, malgré un programme sans aucune audace à gauche. Le thème de l’instauration d’un salaire minimum a fini par être repris même à droite (par branches).

Le souvenir de la période Schröder, chancelier SPD père des réformes structurelles les plus antisociales, s’éloigne sans doute. En 2009, le SPD se présentait comme partenaire du gouvernement sortant de Mme Merkel. Il avait payé cher sa participation à la « grande coalition ». Cet effet s’est atténué 4 ans après.

Au sein de la gauche, les partis qui avaient recueilli les suffrages de déçus du SPD cèdent logiquement du terrain. Les Verts perdent près de 3% retombant à 8%.

Die Linke recule de 11,9% à 8,5% perdant entre le quart et le tiers de son influence électorale. Ses deux filons électoraux se sont érodés.

Die Linke doit toujours l’essentiel de sa stature reste un repère électoral identitaire pour les régions de l’ex RDA, toujours spécialement sinistrées, 22 ans après la réunification. Die Linke, héritier du PDS, y réalise toujours des résultats 4 fois supérieurs qu’à l’ouest. Mais la participation à la gestion du système y est sanctionnée. Ainsi dans le land du Brandebourg, où Die Linke collabore avec le SPD dans le gouvernement régional, le parti chute de 28% à 21% rétrogradant à la troisième place.

A l’ouest, Die Linke n’a pas construit d’implantation locale véritable, malgré l’apport des dissidents socio-démocrates menés par Oskar Lafontaine. En témoigne l’effondrement électoral en Bavière, aux élections régionales du 15 septembre : de 4,3% à 2,1%. Aux législatives, dans le bastion de Lafontaine, la Sarre, Die Linke chute de 21% à 9%.

La fonction tribunicienne, « radicale », de Die Linke s’est dévaluée, et pas uniquement à cause du repositionnement du SPD.

Die Linke, notamment par la voix de son leader historique Gregor Gysi, situe sa perspective politique dans l’intégration du Parti au système, dans une alliance avec les Verts et le SPD, dans une majorité de gauche, « tirée à gauche ». Cette ligne a pu canaliser hier un vote protestataire. Aujourd’hui, elle rend au SPD une partie de ses électeurs. En tout cas, elle ferme les débouchés entrevus grâce aux luttes sociales.

De concert avec le Parti de la gauche européenne, les dirigeants de Die Linke, version Gysi, se démènent pour contrer toute remise en cause de l’Union européenne et de l’euro. Cette orientation fondamentale va à contrecourant de l’opinion dominante de la classe ouvrière et contredit même le discours du partenaire historique Lafontaine.

Die Linke a aussi perdu du terrain électoral sur le thème, si important dans les milieux de gauche allemands, de la paix, malgré l’implication récente, assez consensuelle, contre la guerre en Syrie. Gysi a discrédité son parti avec connivences avec l’ambassadeur des Etats-Unis, révélées par Wikileaks. Gysi met ainsi en avant la dissolution de l’OTAN pour mieux évacuer la mobilisation accessible pour la sortie de l’Allemagne de l’OTAN…

Après le scrutin, les dirigeants de Die Linke espèrent la reconstitution d’une « grande coalition » qui leur permettrait de reprendre plus facilement une posture d’opposants.

La gauche, toutes composantes confondues, perd donc aussi 3%.

Un nouveau parti, anti-euro mais pro-UE, l’AFD (alternative pour l’Allemagne) frôle l’entrée au Parlement avec 4,7% des voix. Ce parti est clairement marqué à droite mais reste un parti bourgeois traditionnel. Il réclame que l’Allemagne fasse respecter les critères de Maastricht ou cesse « d’aider » les autres pays européens. Il participe pleinement à la campagne de l’idéologie dominante sur la « supériorité » du système allemand.

Ces élections sont un clairement un succès pour le capitalisme allemand et européen. La poursuite de la politique d’austérité est validée. Le taux de participation progresse même légèrement, passant de 71 à 73%. Dans la première économie du continent, aucune force politique réellement alternative n’émerge, susceptible d’organiser la colère populaire devant la paupérisation globale de la classe ouvrière, les multiples luttes locales, les attentes d’une émancipation du syndicalisme d’accompagnement.

Pour nous communistes français, cette situation est à observer avec lucidité et gravité. Elle ne peut que nous inciter à échanger avec nos camarades communistes et autres progressistes allemands, notamment du Parti communiste allemand, le DKP.