Avec les ordonnances, un salarié pourra être licencié pour refus d’une modification du contrat de travail pourtant signé avec son patron. S’il licencie abusivement sans cause économique réelle et sérieuse, un patron ne pourra plus être condamné qu’à des indemnités minimes aux prud’hommes. Les multinationales pourront déplacer leurs profits vers des filiales à l’étranger pour mieux licencier et délocaliser en France. Les petits patrons pourront imposer des bouleversements dans l’organisation du travail, remettre en cause les primes, malgré les accords de branches et le code du travail. Ils pourront organiser des « référendums » internes, là où ils disposent de tous les moyens de pression. Ils pourront faire sans les syndicats. Le repreneur d’un sous-traitant pourra remettre à zéro les acquis concédés aux salariés par l’ancien prestataire. Etc.
Il y en a pour 159 pages de mesures techniques et vicieuses concoctées par le patronat et que le gouvernement veut imposer par une guerre éclair de 6 semaines contre le monde du travail. Ce coup de force doit ouvrir une nouvelle étape dans la « libéralisation », le retour à la loi de la jungle, du marché du travail. L’étatisation programmée de l’assurance chômage va finir de décharger le patronat de sa responsabilité dans le chômage. Le transfert des cotisations chômage vers la CSG n’est pas seulement dur et injuste pour les retraités (1,7% de prélèvement !) mais profondément grave pour tous les travailleurs.
Les dégâts des mêmes politiques dans les pays voisins, coordonnées par l’UE, sont connus, de la Grèce à l’Allemagne (où la proportion de travailleurs pauvres atteint 22% contre 7% en France). Il s’agit d’écraser les salaires, de généraliser la précarité, d’accentuer la surexploitation. L’aide aux PME est alibi. Les profits sont absorbés par les donneurs d’ordres et vont à leurs dividendes. En fait de lutte contre le chômage, il s’agit de dissoudre la définition de l’emploi (aussi avec l’extension des CDI de « mission », en fait des CDD sans prime de précarité).
Il n’en est que plus important de stopper net Macron maintenant.
En 2016, la mobilisation des travailleurs, avec les syndicats revendicatifs, a été forte. Elle s’est heurtée à la répression scandaleuse de Manuel Valls, détournant son « état d’urgence » contre les salariés. La convergence n’a pas été totalement réussie avec les mouvements des cheminots et des fonctionnaires, pourtant confrontés au même moment à de très graves atteintes, eux aussi, contre leurs statuts. Surtout, le mouvement s’est trouvé court-circuité par le début de la campagne des présidentielles, les calculs politiciens et la propagation de nouvelles illusions électorales.
Partant de l’expérience de l’an dernier, le mouvement social peut gagner en 2017. Les suppôts de Macron prétendent que les ordonnances faisaient partie de son programme. Quel mépris décidément de la part de ce président ! Les textes ont été tenus au secret jusqu’au 31 août. La « concertation » de l’été avec les syndicats s’est effectuée dans le vide.
En début de quinquennat, il est risqué pour Macron d’envoyer les forces de répression contre des manifestants.
Choisissant d’imposer d’entrée sa ligne antisociale, Macron a de nouveau attaqué les cheminots en menaçant leur régime « spécial », pourtant associé à leur mission de service public. Aux fonctionnaires, il a déjà infligé le gel des salaires et des recrutements ; aux jeunes, la baisse des APL ; aux retraités, la ponction de 1,7% de CSG au-dessus de 1200 euros par mois. Les conditions d’une construction d’une convergence des luttes de l’ensemble du monde du travail existent réellement, aujourd’hui comme hier. Elle est nécessaire pour tous.
Le capital et le patronat comptent sur le blocage de la perspective politique pour faire passer leur plan historique de recul social. Avec leurs médias, ils ont réussi à faire élire Macron et à brouiller le jeu politicien. Logiquement, la cote de popularité de Macron redescend vite et reviens à son faible socle du 1er tour de la présidentielle : 24% des voix correspondant à ceux qui ont le moins intérêt au changement. Macron ne bénéficie pas d’un soutien majoritaire du peuple pour sa casse du marché du travail. Mais il n’existe pas d’opposition du côté des institutions et des organisations politiques pour l’empêcher. Le président dispose d’une majorité pléthorique de « fans » à l’Assemblée, élue grâce à une abstention record. La présidentielle a laissé à la droite le terrain de l’opposition politique principale. L’extrême-droite, dangereusement renforcée, reprend déjà son discours mêlant démagogie sociale, nationalisme et haine anti-immigrés. L’élimination de Fillon a libéré un espace à une droite libérale-réactionnaire située entre Macron et Le Pen. Ce n’est quand même pas le général de Villiers, pleurant hypocritement sur les dépenses de surarmement (alors qu’encore 850 millions d’euros ont été détournés des budgets civils vers les opérations extérieures) qui va être le champion de la lutte contre l’austérité !
De l’autre côté, l’opération « En Marche » a phagocyté une grande partie du PS faisant passer pour « radicaux » des politiciens réformistes comme Hamon, fils spirituel du père de la CSG Rocard et ministre de Hollande, où Mélenchon qui – souvenons-nous – appelait à voter Hollande au 2ème tour de 2012 comme pour lui-même. Le populisme, l’agitation de Mélenchon de ses « fans » ne doivent pas cacher l’absence de positions anticapitalisme et de lutte des classes – jusqu’aux mots – dans leur programme. Communistes, nous condamnons l’opération de JLM et FI, leur tentative de détournement politicien du mouvement social qui ne fait que renvoyer toute perspective de changement à 2022.
Le monde du travail ne peut pas se permettre d’attendre à nouveau 5 ans une prochaine duperie électorale, comme le conçoit le système. Il n’existe aucun début de majorité derrière un hypothétique sauveur et le « coup d’Etat social » de FI. Mais un rapport de force existe pour mettre en échec, tout de suite, les mesures antisociales commandées par le patronat.
C’est seulement dans la lutte, la grève qu’il peut et doit s’exprimer. Sur ce terrain, les diversions de droite et d’extrême-droite sont également disqualifiées.
Aussi, communistes, nous ferons tout pour développer la lutte, les actions, les grèves pour LE RETRAIT DES ORDONNANCES MACRON, à commencer par les manifestations initiées par la CGT les 12 et 21 septembre 2017.
Les jours et les semaines qui viennent doivent être utilisées pour démonter les ordonnances, expliquer comment la plupart des salariés risquent concrètement de les subir, à construire les convergences de lutte contre la remise en cause des statuts du travail.
Dans l’histoire récente, d’autres dirigeants politiciens, frais émoulus, péroraient sûrs d’eux, « droits dans leurs bottes », après leur avènement. Le mouvement social peut envoyer à Macron et à ses ordonnances la même claque qu’à Juppé et à son plan en 1995, à Villepin et à son CPE en 2006.