Parti Communiste Français Section de Saint-Martin d’Hères
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1981, 1997, 2012 : une fois, deux fois, trois fois, ce n’est plus une erreur !

mai 2011, par Saint Martin d’Hères

Notre camarade Emmanuel Dang Tran, que nous accueillons ce vendredi 13 mai à Saint-Martin-d’Hères, nous propose une analyse très intéressante :

A l’occasion du 30ème anniversaire du 10 mai 1981, les medias, les partis de gauche s’efforcent d’agiter des sentiments, une nostalgie des grandes espérances même déçues.

Pour nous communistes, cette date nous invite à poursuivre notre analyse politique, nécessaire même si elle douloureuse.

Bien sûr, il y a le souvenir de l’abolition de la peine de mort, des dernières conquêtes sociales importantes, du droit à la retraite à 60 ans, solde des acquis des luttes des années 70 dans lesquelles les communistes avaient joué un rôle déterminant.

Mais 1981 marque pour le pays le début d’une régression politique, économique et sociale sans précédent depuis 1945.

Elle marque la victoire de la pédagogie de la résignation au capitalisme, représentée par ceux-là mêmes qui prétendaient « changer la vie ». Elle marque le début d’un recul terrible des organisations révolutionnaires dont les conséquences se font durement sentir.

L’échec de la stratégie politique suivie par notre parti depuis les années 70 est directement en cause. Beaucoup de nos camarades le pressentaient déjà avant 1981. Mais nous n’avons pas su, pas pu sortir de cette stratégie même après 81.

Le capitalisme français a su jouer de notre conception du rassemblement. Après mai/juin 68, après le beau succès électoral de Jacques Duclos à la présidentielle de 1969, il a réussi à reconstituer un partenaire de « gauche » au PCF pour canaliser la contestation sociale et affaiblir le parti et le syndicat révolutionnaires.

Il est presque « comique » d’entendre l’ancien décoré de la francisque pétainiste entonner un refrain anticapitaliste au Congrès du PS d’Epinay en 1971. Mitterrand était beaucoup plus dans son rôle à Vienne au Congrès de l’Internationale socialiste lorsqu’il a déclaré, ouvertement, que son but était de prendre 3 millions de voix aux communistes.

Nous le savions mais nous pensions que notre organisation serait assez forte pour que les luttes, le mouvement populaire contrebalancent la social-démocratie.

C’est le contraire qui s’est passé.

L’Union de la gauche, le programme commun, sa logique même, ont centré la perspective politique sur l’échéance institutionnelle, semant d’immenses illusions, faisant passer, malgré nous, les luttes et notre action au second plan.

Dans sa démagogie, la social-démocratie a été un instrument majeur de l’anticommunisme. Puisque nous donnions nous-mêmes un brevet de force de changement au PS, pourquoi, en pleine mutation sociale, notamment les nouvelles couches de la classe ouvrière auraient-elles fait le choix beaucoup plus exigeant de l’engagement communiste ?

D’autant plus qu’au plan international, les signes de faiblesse du camp socialiste se multipliaient.

Pour le PCF lui-même, l’Union de la gauche a représenté une forme d’institutionnalisation structurelle qui l’a éloigné partiellement de la lutte des classes. L’électoralisme s’est répandu dans nos rangs, l’élection devenant de plus en plus une fin en soi.

Les grandes conquêtes électorales, grâce à l’Union de la gauche plus qu’à nos propres forces, notamment aux municipales de 1977, ont renforcé durablement ce caractère. Ce qui n’enlève rien aux réalisations de nos municipalités.

Conscients, la direction de notre parti, comme de nombreux communistes, n’ont pas pu, pas su sortir du piège.

La rupture du Programme commun s’est retournée contre nous.

Malgré la belle campagne de Georges Marchais et son résultat, en fait très honorable, nous sommes amenés à participer au gouvernement qui opère dès 1982 le « tournant de la rigueur », les quelques acquis de 1981 étant à mettre au compte du rapport de forces que nous continuions à animer.

Même après la sortie du gouvernement en 1984, malgré la « priorité au mouvement populaire » affirmée au 25ème congrès, la réaffirmation de notre perspective socialiste, le Parti n’arrive pas à se sortir de cette contradiction, à rompre avec la perspective politique électorale et institutionnelle d’une union de la gauche avec un rapport de force « tirant le PS à gauche ».

Le contexte est aussi celui d’une déstabilisation sociale rapide, d’une avancée nationale et internationale de l’idéologie dominante, d’une existence plus difficile encore de l’organisation de classe.

Dans le même temps, les éléments les plus réformistes dans notre Parti gagnent du terrain (les anciens ministres communistes se dirigent l’un après l’autre vers le PS).

Nous nous rendons compte aujourd’hui que ces derniers l’ont emporté après 1990 puis le 28ème congrès de 1994 avec la « Mutation » de Robert Hue.

La stratégie qui était une erreur, d’ailleurs repérée, discutée aux congrès successifs, devient à partir des années 90 un choix assumé.

En 1997, la direction du Parti arrache aux communistes l’acceptation de la participation gouvernementale au moyen d’un vrai-faux accord avec Jospin, dont rien n’a été respecté ni l’arrêt de la privatisation de France Télécom, ni la hausse du SMIC de 8%.

La direction du Parti participe avec la « gauche plurielle » au gouvernement qui aura le plus privatisé, qui a servi loyalement les intérêts du capital pour reprendre une autre citation socialiste célèbre.

Ce choix va de pair avec la dévitalisation des organisations de base du Parti et la ligne du congrès de Martigues en 2000.

Le résultat est connu, à nouveau dramatique : 3,37% en 2002 au lieu de 10% en 1997, la perte des deux tiers des adhérents, la disparition de la plupart des cellules etc.

En 2011, on continue à épuiser le potentiel révolutionnaire, théorique, historique irremplaçable du PCF pour les travailleurs de notre pays ? Malheureusement oui !

Maintenant à deux niveaux avec le « Front de gauche ».

A nouveau, la direction du PCF se place dans une perspective d’avènement d’une nouvelle « gauche plurielle » en 2012, derrière sinon Strauss-Kahn (sans doute un leurre), le PS d’un François Hollande, avec toujours cette prétention fausse à « peser à gauche » sur le PS.

Mais elle reproduit même l’Union de la gauche et le programme commun en petit, en farce, avec le « programme partagé du Front de gauche » et Jean-Luc Mélenchon.

Mélenchon, dont Mitterrand est l’idole, n’a plus 3 millions de voix à prendre aux communistes… mais quelques centaines de milliers feraient bien son affaire. Il ne s’agit plus non plus d’accéder au pouvoir en tant que parti dominant, ancré dans la lutte des classes, mais de jouer un rôle d’appoint dans un Front de gauche lui-même force d’appoint.

Pourtant c’est grave. Parce que plus que jamais, les travailleurs de notre pays, notre pays lui-même, ont besoin du PCF, de ce qu’il représente, aussi de sa capacité de rassemblement qui ne se confond pas avec une unité de groupes sur des bases vagues.

Loin de la menace d’un parti révolutionnaire conséquent, armé théoriquement, fort de son histoire, avec Mélenchon, le capital, la « gauche » peuvent compter sur un « réformiste radical », un « gauchiste institutionnel », solidement Maastrichien.

L’importance n’en est que plus grande pour les communistes, aussi pour ceux qui ont été écartés de leur parti, pour tous ceux qui ressentent la nécessité du Parti de classe et de masse, dans leur entreprise, leur quartier populaire, leur campagne, de se réapproprier leur Parti, le PCF, de le faire vivre et de le renforcer.

Communistes, c’est notre préoccupation à l’heure des choix graves, que l’on veut nous imposer pour les élections de 2012, comme dans les mois et années qui suivront.

30 ans après le 10 mai 1981.

Analyse de notre camarade Emmanuel Dang Tran